LE TRANSPORT MARITIME ET L’IMPACT DE SA LIBÉRALISATION SUR L’INTÉGRATION DES PAYS AFRICAINS AUX RÉSEAUX MONDIAUX DE TRANSPORTS
Tout au long de l’histoire, l’espace maritime a joué et continue de jouer un rôle important dans l’ouverture et le développement des pays à des degrés différents.
En Afrique, l’histoire du transport maritime remonte au 16em siècle, à l’époque du commerce triangulaire. Le commerce triangulaire est une traître négriere menée au moyen d’échanges entre l’Europe, l’Afrique et l’Amérique. Les pays européens affrètent des navires qui se rendent en Afrique pour assurer la distribution d’esclaves noirs aux colonies du nouveau monde (continent américain), pour approvisionner l’Europe en produits de ces colonies et pour fournir à l’Afrique des produits européens et américains.
Aboli à Paris le 27 avril 1848 après une longue « réunion » décisive pour la liberté des personnes ayant la peau noire, la fin du commerce triangulaire a ouvert de nouvelles perspectives au continent africain, mais toujours sous une forme de domination économique ; il s’agit de la colonisation.
La colonisation est la domination politique, militaire et économique d’un territoire par une puissance étrangère, elle implique l’occupation territoriale et la dépendance du pays occupé. Au cours de cette période, le commerce maritime africain n’a pas évolué en tant que tel, il a juste changé de trajectoire et aussi de mode opératoire. Le commerce colonial était un commerce fortement exportateur. Au cours de la période coloniale, l’Afrique, c’était spécialisé dans l’exportation de produits dits de marché tel que le cotons, cafés, cacaos, bois etc… Et en retour obtenait des produits manufacturés tel biscuits, blé, boissons, viandes fraîches, frigorifiées et salées, lait naturel et concentré, fromages, beurre. Tous ces échanges se faisaient par voie maritime.
Mais on peut noter qu’à partir de 1950, qu’il y a eu un grand changement sur le continent africain à la suite des mouvements indépendantistes. L’éveil des mouvements nationalistes africains a donné lieu à une réorganisation du climat politique économique et social. Parmi les reformes entreprises, on note au plan maritime la création par les nouveaux pays indépendants de leur propre compagnie.
C’est le cas du Benin qui en 1974, a mis en place la Compagnie Béninoise de Navigation Maritime : la COBENAM.
Elle a pour objet : l’exécution de toute opération de transport multimodal notamment, les transports maritimes et fluvio-lagunaires ; de toute prestation de services liés à la consignation de navires, au transit des marchandises et toutes autres activités connexes ou annexes se rapportant à l’objet social, ou susceptibles d’en faciliter la réalisation.
Le Benin n’a pas été le seul a disposé de sa propre compagnie de navigation, puis que sont nés dans d’autres pays comme le Cameroun, le Cameroun Shipping Lines (CAMSHIP), au Ghana, le Black Star Line of Ghana, au Congo, la CMZ (la compagnie maritime zaïroise) ; en Côte-d’Ivoire la Société ivoirienne de transport maritime (SITRAM).
Pour assurer la pérennité de ces compagnies maritimes, les pays africains ont négocié, sous l’égide de la CNUCED (commission des nations unies pour le commerce et le développement), une convention de répartition des trafics entre les armements africains, les armements européens et les autres.
Une situation que le libéralisme du transport maritime aura vite fait d’abandonner. Les compagnies africaines nationales n’ont pas tenu le cap sur le long terme, au fil des années, elles ont toutes disparues ; au final, les accords de répartition de trafic sont tombés.
Mais d’autres facteur intrinsèque ont également vite poussé ces compagnies vers la porte de sortie, il s’agit de : de la mauvaise gestion, le manque d’entretien des bâtiments, absence de mains d’œuvre adéquate et l’interférence de l’état pour bénéficier de fret gratuit. Il serait tout aussi compréhensible d’accepter cet échec étant donné que c’était la première expérience de ces pays.
Depuis les indépendances à ce jour, le secteur maritime africain n’a toujours pas connu un essor spectaculaire. Les pays africains ne s’approprient pas encore les domaines du transport maritime et de la logistique. Ils leur manquent les infrastructures modernes, ce qui ne favorise pas le développement des échanges commerciaux entre les pays africains et le reste du monde.
Les africains, pour diverses raisons, n’ont pu développer les métiers de la mer, et ce, jusqu’à présent, ce qui explique en grande partie le sous-développement du continent. Face à cette réalité, les ports africains sont de plus en plus contrôlés par les chargeurs et armateurs globaux internationaux.
Les grandes compagnies de transport maritime, étrangères à l’Afrique contrôlent presque la totalité de la chaîne du transport maritime africain. Les statistiques en parlent, car l’Afrique ne représente que moins de 5 % du commerce maritime mondial et 2 % du trafic conteneurisé de la planète.
L’Afrique subsaharienne n’absorbe que 1,78 % du trafic conteneurisé mondial et l’Afrique de l’Ouest et du centre représente 0,85 % du trafic conteneurisé dans le monde. Autant d’indicateurs qui montrent l’Afrique comme étant le continent le plus riche au monde en termes de ressources naturelles, mais aussi paradoxalement, comme étant le plus pauvre en termes de développement économique et social. Il serait juste et bon de remédier très tôt à ces facteurs négatifs qui empêchent l’Afrique de marquer sa présence dans ce domaine à forte retombée économique.
Pour aider l’Afrique à révéler son potentiel, La CNUCED a élaboré quelques points stratégiques qui pourront aider le continent à atteindre un niveau de développement maritime plus avancé. Il faut tout d’abord adopter un train de mesures exigeant de la part d’acteurs nationaux, régionaux et internationaux des interventions ciblées qui soient alignées sur les objectifs du développement durable et qui intègrent les trois dimensions du développement durable appliquées à la facilitation des transports et du commerce. Il s’agit notamment de :
- Préparer les ports africains à accueillir de plus grands navires en engageant des travaux de dragage pour accroître leur tirant d’eau et en veillant à ce qu’ils soient équipés des matériels de manutention appropriés ;
- Améliorer l’accès à l’arrière-pays et aux pays sans littoral en faisant appel à une approche multimodale du transport et aux corridors de transport, et construire des infrastructures de transport terrestre ;
- Faire usage des technologies et des solutions numériques pour faciliter le transport et le commerce, réduire les inefficacités, améliorer les processus et accroître la transparence, et pour promouvoir la sécurité et la résilience des systèmes de transport ;
- Améliorer la connectivité des transports maritimes ou terrestres afin de réduire les coûts de transport et d’améliorer la position des pays africains dans les réseaux maritimes mondiaux. Parallèlement, il faut aussi mettre en place des infrastructures immatérielles à l’appui du transport en transit et de la facilitation du commerce en harmonisant la réglementation des transports, y compris le transport routier et le transport ferroviaire ;
- Encourager la contribution des pays africains au commerce maritime en encourageant les pôles d’activités maritimes, où le transport maritime et les activités portuaires peuvent stimuler les secteurs de services apparentés, notamment dans le contexte de l’économie bleue.
Pour s’intégrer équitablement dans l’économie mondiale et améliorer le bien-être des populations africaines, les ports africains et les maillons du transport maritime pourront jouer un rôle clé dans le développement du commerce international et du développement économique et social des pays africains, car ils sont les premiers points d’entrée et de sortie des marchandises et le transport maritime est l’un des piliers les plus importants de la globalisation actuelle et de la chaine de valeur mondiale. Pour que le secteur du transport maritime joue pleinement son rôle de développeur, il faut revoir la façon dont est organisé le secteur maritime africain, du fait qu’il a un impact considérable sur le volume des échanges et sur les coûts de transport.
Expert maritime, Consultant en transport et logistique.