Dans les ports maritimes Africains, le gestionnaire du domaine public peut-il voir sa responsabilité engagée, en cas de promesse non tenue, à un investisseur privé qu’il pourra bénéficier d’un titre domanial?

C’est la question qui m’est posée par plusieurs autorités portuaires.

En effet, dans de nombreux ports Africains, confrontée à la forte demande des investisseurs privés désireux de s’implanter sur le domaine public portuaire (DPP), l’autorité portuaire est souvent amenée à établir une liste d’attente des occupants privatifs. Ces derniers affirment s’installer provisoirement sur de nombreux sites dans le port espérant obtenir une réponse favorable promise par le Maître du DPP. Ces exemples peuvent se vérifier à Douala, San Pedro ou Lomé.

Doit-on les considérer comme des occupants privatifs sans titre? Peuvent-ils prétendre à une indemnisation lorsque certains ont déjà commencé à investir des sommes considérables dans ces ports et, sont, finalement, expulsés ?

Deux préoccupations juridiques se posent : la première est relative à la tolérance administrative dans ces ports. La seconde concerne effectivement la promesse formelle et écrite non tenue par l’autorité portuaire.

Dans la plupart des Législations Africaines relatives à la domanialité publique, il est consacré la thèse selon laquelle « Nul ne peut sans disposer d’un titre l’y habilitant, occuper une dépendance du domaine public « . Dès lors, l’investisseur privé qui ne bénéficie pas d’un titre domanial écrit, formel et exprès ne peut prétendre s’installer sur le DPP.

L’argument selon lequel, il paye une redevance domaniale du fait que le gestionnaire du DPP tolère sa présence ne peut alors prospérer. Dans ce sens, à San Pedro, à propos des artisans installés depuis des années sur la rue des grumiers faisant partie du DPP, la Cour d’appel de Daloa, a jugé « qu’aucun titre régulier ne les autorise à s’installer et à se maintenir sur le DPP en dépit de leur occupation prolongée et des sommes d’argent qu’ils auraient investis pour la création de leurs différents commerces ».

Ainsi, la simple tolérance du port ne saurait valoir promesse d’une autorisation d’occupation privative du DPP: CE, 19 mars 1943, Cie des Sablières de la Seine. D’ailleurs, du fait de sa négligence, le Port peut voir sa responsabilité engagée en cas de survenance de graves dommages causés par ces installations privatives non autorisées. L’affaire du port de Beyrouth du 4/08/2020 est un exemple significatif.

Enfin, l’autorité portuaire peut-elle voir sa responsabilité engagée si elle promet à tort, à un investisseur privé qu’il pourra se voir délivrer un titre domanial ?

Ma réponse est affirmative. En effet, si une promesse formelle et écrite a été faite alors que le port savait d’avance qu’il était impossible de satisfaire la demande formulée. Ma réponse sera négative si aucune promesse n’a été formulée. Il n’existe aucun droit à bénéficier d’un titre domanial. CE, 2 nov.1956, Biberon. CE, 23 janv. 1976, Kergo.

Par Dr Clement Seka ABA, Docteur en Droit Juriste Portuaire et Maritime