Des marins saisissent un navire pour cause de salaires impayés et de négligence du propriétaire, alors que le Sénégal se dérobe à ses obligations envers l’équipage
Quatre marins, avec l’aide de la Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF), ont saisi un cargo au large du port de Dakar au Sénégal après des mois sans salaire et un danger croissant pour leur vie.
Les quatre membres de l’équipage du MV Onda (IMO 8912467) se sont battus pour faire réparer le moteur de leur navire. Les autorités portuaires ont ignoré leurs demandes d’aide pendant plus d’un an.
Agissant au nom des quatre membres de l’équipage, l’ITF s’est adressée à un tribunal sénégalais pour faire saisir légalement le navire, car sa position permanente près d’une voie de navigation très fréquentée rendait l’équipage et d’autres personnes vulnérables aux collisions la nuit, sans moteur pour alimenter les feux d’avertissement du navire.
Le navire reste saisi jusqu’à ce que les propriétaires paient les plus de 84 000 USD de salaires dus à l’équipage assiégé. La saisie du navire signifie qu’il ne peut être utilisé par son propriétaire tant que les dettes ne sont pas réglées.
L’ITF réclame également des frais aux propriétaires, car ils ont laissé le navire à l’ancre pendant de longues périodes sans fournir de provisions adéquates à l’équipage, comme un armateur est tenu de le faire en vertu de la Convention du travail maritime et de la plupart des contrats des marins. L’ITF est intervenue à plusieurs reprises pour s’assurer que les marins ne mouraient pas de faim.
L’ITF a confirmé que M. Nguetsop Pierre Robinson, du Cameroun, s’est présenté à l’équipage comme le nouveau propriétaire du navire. Il a tenté de tromper l’équipage pour qu’il remette le navire en service en échange de promesses vides qu’ils seront payés à un moment donné dans le futur. L’équipage a été informé qu’il a très peu de chances de récupérer ce qui lui appartient s’il accepte ce genre de marché.
Fin janvier, les avocats du propriétaire ont fait une nouvelle approche, en augmentant leur offre pour faire bouger l’Onda. En essayant de conclure un accord avec le capitaine du navire pour que celui-ci soit déplacé, ils lui ont proposé la bagatelle de 33 000 dollars. Bien loin des 55 000 dollars de salaire que le capitaine doit recevoir. Avec son consentement, l’ITF a rejeté cette offre insultante au nom du capitaine.
Le Sénégal viole le droit international
Cependant, l’équipage se retrouve dans l’incertitude car il ne peut pas quitter le navire pour rentrer chez lui alors que le conflit se poursuit et que les autorités portuaires ont refusé les aider malgré les obligations claires de la Convention du travail maritime (MLC 2006) que le Sénégal a ratifiée. Elles ont refusé d’autoriser l’entrée du navire à Dakar, sous prétexte que le port était trop occupé, et ont constamment ignoré les demandes de l’ITF d’intercéder en faveur des marins. En adoptant cette approche, ils violent effectivement les termes de la MLC qui leur confère une responsabilité claire de protéger le bien-être des marins lorsque ni le propriétaire ni l’État du pavillon n’interviennent. Dans ce cas, les propriétaires ont laissé l’immatriculation du navire expirer il y a quelque temps, ce qui signifie qu’il n’y a pas d’État du pavillon.
Les images vidéo du journaliste français Hugo Clément de la chaîne de télévision France 5, qui a visité le navire ces dernières semaines, montrent qu’il est en mauvais état, avec des systèmes de contrôle dangereux et des canots de sauvetage inutilisables. Comme l’ITF l’a signalé l’année dernière, le navire se trouve dans un mouillage très fréquenté et a été laissé par intermittence sans lumière la nuit, ce qui met en danger l’équipage et les équipages de tout navire qui pourrait entrer en collision avec l’Onda.
@hugoclementk 😱 Je vous embarque sur un bateau fantôme au large de Dakar, au Sénégal ! Un cargo abandonné en pleine mer par son propriétaire depuis un an, avec l’équipage bloqué à bord. Retrouvez notre reportage complet sur la marine marchande le lundi 16 janvier à 21h sur France 5 dans mon émission « Sur le front ».
« L’Onda a été décrit comme un navire fantôme », a déclaré Steve Trowsdale, coordinateur de l’Inspection de l’ITF, « abandonné à son sort par les propriétaires et les autorités. Tous deux ont complètement négligé leur responsabilité de veiller sur l’équipage. Ils ne semblent pas se soucier du fait que quatre êtres humains ont été laissés à l’abandon, avec une nourriture et une eau insuffisantes et sans possibilité de quitter le navire.
« L’ITF a saisi le navire et exige que les propriétaires versent à l’équipage ce qui lui est dû, ainsi que les dépenses engagées par l’ITF et les frais de rapatriement des marins. S’ils ne répondent pas, la prochaine étape consistera à retourner devant le tribunal pour que le navire soit vendu aux enchères afin de récupérer cet argent », a déclaré M. Trowsdale de l’ITF.
« Les propriétaires ont été mis en demeure. Ces marins ont souffert pendant assez longtemps. Je n’hésiterai pas à prendre cette mesure s’ils ne réagissent pas rapidement », a-t-il ajouté.
À propos de l’ITF : La Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF) est une fédération syndicale démocratique dirigée par ses affiliés, reconnue comme l’autorité mondiale en matière de transports. Nous nous battons passionnément pour améliorer le quotidien des travailleuses et travailleurs, unissant les syndicats de 147 pays pour obtenir des droits, l’égalité et la justice pour leurs membres. Nous sommes la voix de près de 20 millions de femmes et d’hommes qui font bouger le monde.
Source & photo : ITF
