Interview Exclusive de M. Aboubacar Sédikh BEYE, Directeur Général du Port Autonome de Dakar
Cet interview a été réalisée exclusivement pour Maritimafrica Mag Sénégal n°002, par Pascaline ODOUBOUROU.
1/ Depuis votre prise de fonction à la tête du Port Autonome de Dakar, plusieurs réformes et décisions ont été prises pour le rendre plus compétitif. Pouvez-vous nous donner une idée de ces principales réformes et décisions prises ?
Merci pour la question. Tout d’abord, je suis arrivé au port en septembre 2017. Quand je venais au port, il y avait une congestion terrible et aussi un problème de gestion des conteneurs vides. On estimait à environ 15 000, les conteneurs vides qui étaient à l’intérieur de Dakar.
Vous pouviez voir des conteneurs à la Médina, vous pouviez même voir des conteneurs sur la plage. En fait, les transporteurs avaient sur leur châssis des conteneurs vides et il n’y avait pas endroit où les déposer. DP World ne pouvait pas les prendre. Les ICD étaient pleins et comme cela les empêchait de travailler, ils les déposaient n’importe où.
Face à cela, la première mesure que nous avions prise, était de voir avec la SONACOS un espace de six (6) hectares que nous avions loué et qui nous a permis de gérer ce problème de conteneurs vides. On a donc eu un espace, que nous avions très rapidement aménagé et en un temps record, en deux jours, c’était plein. Mais, au moins cela avait permis de décongestionner.
L’autre mesure prise, était de mettre en place un système de gestion des flux de camion. Avec la congestion, c’était aussi des camions qui restaient des fois deux jours pour pouvoir rentrer dans le port et sortir. Un (1) jour pour rentrer et un (1) jour à l’intérieur du port pour pouvoir se retourner. Il fallait imaginer un système qui permette que les camions puissent rentrer et sortir facilement. C’est cela que nous avions appelé « la gestion des flux de camions » qui est basée sur un système qu’on appelle « Vehicule Booking System ».
C’est-à-dire que pour arriver au port, il faut déjà avoir un rendez-vous. La prise de rendez-vous et le même espace de SONACOS qui est devenu un espace tampon ou le camion doit approcher le port en ayant un « staging area » ou il peut attendre le temps qu’on l’appelle pour lui dire que son tour est venu. Et ça, ça a beaucoup permis de fluidifier. Ceci, était des questions opérationnelles sur lesquelles on a travaillé très, très rapidement.
Mais, l’autre aspect était des mesures beaucoup plus stratégiques. Nous avons commencé à travailler sur la vision stratégique du port, le plan stratégique de développement du port, qui nous a permis donc de faire deux changements de paradigme majeurs pour changer le port dans son orientation et pour essayer d’en faire un moteur de l’émergence, un acteur économique qui opère aussi bien dans la logistique que dans la production de biens et services. C’est pour cela que nous avions mis “Un port, Moteur de l’émergence” avec pour mission d’être un acteur logistique au service des économies africaines.
Ce plan stratégique était accompagné d’un certain nombre de projets quick-win, qui nous a permis de complètement rééquilibrer les finances du port et qui est devenu maintenant le plan de transformation du port. Donc, voilà sur une échelle les mesures phares, rapides, qui ont été prises depuis ma prise de fonction à la tête du Port Autonome de Dakar.
2/ Ces réformes ont-elles porté des fruits où y a-t-il encore des ajustements à faire ?
Il y a encore des ajustements à faire. Mais, ce qu’il y a à faire tout de suite c’est le rééquilibrage des finances du port. Le port avait une trésorerie négative de près de 14 milliards. On a pu le renverser pour avoir une trésorerie excédentaire de plus de 7 milliards et donc cela a permis au port de commencer par faire des investissements sur le terrain.
Là, vous verrez que toutes les routes du port ont été refaites. Il faut savoir que certaines routes n’ont pas été refaites depuis 1980 et en zone Nord, cela remonte à un peu plus loin.
Aujourd’hui, avec la saison des pluies qui approche les transporteurs sont contents parce qu’ils peuvent rouler sans rentrer dans des flaques d’eau, etc. Cela a été très très bénéfique sur le plan financier mais aussi sur le plan stratégique puisqu’avec le port de Ndayane que nous allons développer c’est une autre vision maintenant. Ce n’est plus juste un port de manutention, de débarquement et d’embarquement de marchandises, mais on peut résolument l’orienter vers la création de valeur ajoutée. Par exemple, vous avez actuellement le « KARPOWERSHIP » qui est au poste 45 et qui produit de l’électricité.
Aujourd’hui, c’est 240 MW qui sont produits dans le port. D’autres concessions qui sont sous l’eau vont produire de l’électricité aussi.
3/ Aujourd’hui avec la crise de la COVID 19 et ensuite la fermeture des frontières avec le Mali, comment se porte le Port Autonome de Dakar ?
Le port se porte mieux. J’évite toujours de dire que le port se porte bien, parce que quand on dit que le port se porte bien, c’est toujours sujet à équivoque parce qu’on peut toujours faire mieux. Mais, par rapport à la situation où nous étions, nous sommes bien. La première année de COVID, nous avons quand même pu faire un bénéfice net de ……. lire la suite en cliquant sur ce lien : Maritimafrica Mag Sénégal n°002