Les terminaux portuaires sont-ils exploités dans un cadre juridique précis en Afrique de l’Ouest et du Centre ?

2e Partie : Les terminaux portuaires sont, parfois, exploités dans un cadre juridique imprécis

Cette affirmation vise, surtout, à attirer l’attention des Autorité Portuaires sur l’environnement juridique qui entoure l’exploitation des terminaux portuaires.  Par exemple, il est à remarquer que concernant le contentieux de la gestion des ports, le juge administratif ou le juge judiciaire n’est jamais tenu par la qualification juridique donnée par les parties à un acte ou à une situation juridique donnée.

Dans ce sens, le juge Ivoirien a dit pour droit que les zones industrielles (Z.I.) relèvent du domaine privé. Les titres de propriété délivrés aux opérateurs économiques dans ces zones sont des titres de droit privé et non des titres du domaine public. V. sur ce point, P. MAMBO : Le statut des Z.I. en droit Ivoirien, note s/s l’Arrêt n°290 du 27/12/2017, Agence de gestion et de développement des infrastructures industrielles (AGEDI) c/ Conservateur de la propriété foncière et des hypothèques de Yopougon I, in Tribune de la Ch. Adm.n°10-10/07/2018, p.81.

Or, les terminaux portuaires sont exploités dans les Z.I. portuaires avec pour supports juridiques des CETP. Dès lors, ces CETP sont-elles des contrats commerciaux conclus par des ports autonomes (sociétés d’Etat/ sociétés de droit privé) avec des entreprises commerciales au sens du droit OHADA ? Ou alors, sont-elles des concessions de service public, des concessions de travaux et des autorisations d’occupation privative du domaine public portuaire, rattachées aux contrats de PPP ?

En effet, ces questions se posent car sous une apparence de clarté, les dispositions des textes dans plusieurs législations concernant les significations juridiques des contrats de PPP soulèvent des interrogations.

Deux exemples peuvent être cités :

1/ En Côte d’Ivoire, l’Article 3 du Décret n°2018-358 du 29/03/2018 déterminant les règles relatives aux contrats de PPP ;

2/ Au Cameroun, les Articles 2 et 4 de la Loi n°2023/008 du 25/07/2023 fixant le régime général des contrats de PPP.

Ces textes, semble-t-il, ont deux points communs : d’une part, celui de ne pas définir la notion de PPP qui apparait comme un mot valise et, d’autre part, celui de préciser l’objet global de l’opération juridique et économique externalisée par habilitation contractuelle aux partenaires privés et visant la conception, le financement, la réalisation et l’exploitation d’une mission de service public.

En revanche, sur un point notable, les deux textes cités divergent. Le texte Camerounais précise que le contrat de PPP peut revêtir les formes de modèles de type concessif notamment : les contrats de type Construction, Exploitation, Transfert (CET) ou Build Operate and Transfer (BOT) et leurs déclinaisons et les AOT et/ou les conventions d’occupation du domaine public.

Le texte Ivoirien est muet sur ces questions. En particulier, il ne précise pas, avec clarté, si le contrat de PPP a pour effet de constituer une concession domaniale. Or, ce travail de qualification domaniale doit être réalisé car il n’existe pas, en Afrique, de domaine public par nature. Le titre domanial qui est délivré à un partenaire privé, dans les ports Africains, peut être soumis, tour à tour, à la domanialité publique et à la domanialité privée. C’est pourquoi, il est impérieux de clarifier la qualification des CETP.

D’ailleurs, dans la pratique des ports Ivoiriens, les CETP considérées comme des contrats de PPP revêtent souvent une double qualification juridique : celles d’être des conventions de concession de service public constitutives de titres domaniaux. Ces CETP sont ainsi comprises dans une opération juridique large relevant de la commande publique où primera le respect des règles de la concurrence. D’autant plus que les terminaux portuaires sont des infrastructures essentielles.

Cette qualification des CETP est-elle adaptée aux standards juridiques internationaux retenue dans le réseau mondial de la gestion des ports maritimes ? La question peut être posée et mérite d’amples explications. V. à titre de comparaison, P. DELAUNEY-RISSETO : La question de la requalification des conventions de terminal, Mémoire Master 2, Aix-Marseille,2019, 94 p.

En tout état de cause, en Afrique de l’Ouest et du Centre, dans un contexte de sécurité juridique, il est urgent de recommander la prudence et la précision, aux Autorités portuaires et aux partenaires privés, lors de la rédaction rigoureuse des CETP pour aller au cœur de leur régime juridique.

Par Dr Clement Seka ABA, Docteur en Droit Juriste Portuaire et Maritime