International – «On va voir si la France gouverne bien sa mer»
Assises de la mer. Martin Ndende a fait ses armes avec l’Amoco Cadiz et l’Erika. Il dirige le Centre de droit maritime et océanique de Nantes. Il est à l’événement organisé par Ouest-France – Le Marin, ce mardi
Quel chemin vous a amené à devenir un spécialiste du droit maritime ?
Une passion et les hasards de la vie. Je suis né, à Kribi, au Cameroun, au bord de lamer. J’ai grandi auprès des pêcheurs et des dockers, la vie maritime faisait partie de mon quotidien, elle m’a toujours intéressé. Puis je suis allé à l’université à Yaoundé, où j’ai fait un mémoire de Maîtrise en droit maritime qui m’a permis, major de ma promo, d’avoir une bourse d’études pour venir me spécialiser en France. Je suis arrivé à Brest en 1984, en plein procès du naufrage de l’Amoco Cadiz.
Avez-vous participé au procès de l’Amoco Cadiz ?
Pas directement, mais en conseil auprès de collectivités. Mon doctorat à Brest portait sur les armateurs et compagnies maritimes d’État. Un jour, Alphonse Arzel, l’ancien maire de Ploudalmézeau et sénateur du Finistère, a poussé la porte du Centre de droit et d’économie maritime de Brest, auquel j’étais rattaché. Il ne s’en sortait pas dans le dossier de l’Amoco. Mon directeur nous a mis en relation et j’ai accompagné toutes les collectivités bretonnes pour l’obtention de leurs indemnisations.
Une expérience forcément très formatrice…
J’ai beaucoup appris sur le droit des accidents et catastrophes maritimes, c’est devenu l’une de mes spécialités. Cela m’a bien servi lorsque je suis arrivé à Nantes, en 1999, pile au moment de la catastrophe du pétrolier Erika. Je me suis alors retrouvé embarqué avec les collectivités territoriales des Pays de la Loire, cette fois. J’ai travaillé sur ce dossier jusqu’au procès en cassation.
Amoco Cadiz, Erika : vous n’avez pas l’impression d’être un oiseau de mauvais augure des catastrophes maritimes ?
Les hasards de la vie dont je vous parlais…
Je suis devenu un vrai pompier dans le monde des catastrophes maritimes. En 2010, je suis parti pour une année sabbatique aux États-Unis, pile l’année de l’explosion de la
plateforme pétrolière Deepwater, au large de la Louisiane. Il avait fallu six mois pour en venir à bout et de longues années pour le procès, sur lequel j’ai travaillé.
Avec l’explosion du commerce mondial, le risque de catastrophes maritime ne semble pas prêt à diminuer… Le commerce mondial passe à 90 % à 95 % par la mer. Cela représente beaucoup en termes de risques d’accidents et de pollutions. Le grand défi du monde maritime, aujourd’hui, est donc de parvenir à une économie bleue durable. Le Centre de droit maritime et océanique (CDMO) de Nantes y contribue désormais sur un plan mondial, puisque notre laboratoire a été labellisé Centre d’excellence
par la Banque mondiale et les Nations Unies.
Qu’est-ce que le Centre de droit maritime et océanique de Nantes que vous dirigez ?
C’est un centre de recherches en droit maritime et en droit de la mer, le plus ancien de France, créé en 1972. Son rayonnement est mondial, on y forme des étudiants et futurs chercheurs de France et du monde entier dans ces deux domaines indissociables. Le droit maritime constitue l’ensemble des règles juridiques qui s’appliquent aux activités économiques et humaines en mer. Le droit de la mer concerne l’ensemble des règles juridiques applicables aux espaces maritimes et à la gouvernance des océans. Car la mer, ce sont aussi des espaces naturels qui appartiennent aux États ou sont gérés par eux, auxquels s’ajoute la haute mer, qui n’appartient à aucun État, et les fonds marins, qui constituent le patrimoine commun de l’humanité.
Les Assises de la mer sont-elles l’occasion de faire le point sur cette gouvernance des océans ?
C’est exactement cela, nous allons faire le point sur la manière dont la France se comporte et se développe en tant qu’état côtier et puissance maritime. La France est le deuxième pays maritime au monde, avec plus de onze millions de kilomètres carrés sous sa juridiction. Ça représente d’excellents atouts mais les exploite-telle de façon optimale ? Dans quelle direction va-t-elle ? On va voir si la France gouverne bien sa mer.
Recueilli par Stéphanie BAZYLAK, Ouest-France