INSUFFISANCES DES DISPOSITIFS DE SÛRETÉ DU PORT D’ABIDJAN ET CONSÉQUENCES

Photo : Port Autonome d’Abidjan

Auteur : Charles Auguste OINDJI KORE, Doctorant à l’UFR Criminologie, Université Félix Houphouët-Boigny-Abidjan

Résumé :
Le caractère stratégique de la maritimisation du commerce international nécessite la mise en place de dispositifs sécuritaires plus sûrs pour protéger au mieux les navires, les installations et les ports. Pourtant, en dépit de l’implémentation des procédures de sûreté en milieu portuaire, l’insécurité y est persistante. Cette étude a pour objectifs d’identifier les insuffisances des dispositifs de sûreté, de les décrire à travers leurs manifestations ainsi que les conséquences pour le Port d’Abidjan. Basée sur une recherche empirique, elle s’est aidée du structuro-fonctionnalisme et a fait usage de l’étude documentaire, de l’observation directe, de l’entretien et du questionnaire ; ainsi que des analyses qualitative et quantitative respectivement comme techniques de recueil et méthodes d’analyse de données. Les résultats de l’étude montrent qu’il existe des insuffisances dans le dispositif sécuritaire actuel proposé par l’Autorité portuaire au niveau opérationnel, de l’équipement et de la formation dont les conséquences affectent le niveau sécuritaire, l’image du Port d’Abidjan et le rendement des acteurs de la sûreté portuaire.

INTRODUCTION
Les ports constituent des maillons essentiels de la chaîne de transports car ils relient la voie maritime permettant le transport de marchandises en grande quantité sur de longues distances et la voie terrestre. Ils favorisent les échanges commerciaux et sont d’une importance capitale au plan économique pour les pays qui en disposent (Zinsou, 2010). Les opérations effectuées dans les ports maritimes sont diverses et variées et les structures et équipements qui y sont installés sont nombreux. Ce qui accentue les risques engendrés par cet environnement de travail particulier. Car comment s’assurer que la marchandise en provenance d’un autre pays ne compte pas de risques ?
(Zouaoui, 2012). Des systèmes de gestion de la sûreté ont donc été pensés afin que les ports soient sûrs (Zouaoui, op.cit ; Bouzaher, 2016). Mais, après les attentats de 2001 aux Etats-Unis, des travaux ont été menés en vue de la mise en place d’une démarche commune en matière de sûreté des conteneurs et l’érection d’un nouveau code pouvant s’adapter aux exigences de la sûreté maritime et portuaire (Boisson, 2003 ; Organisation Maritime Internationale et l’Organisation Internationale du Travail, 2003).

Ce nouveau code est le Code International pour la sûreté des navires et des installations portuaires, en abrégé Code ISPS. Ce code a vu le jour en 2002 à Londres et est entré en vigueur le 01 juillet 2004. Il s’applique aux navires à passagers ; aux navires marchands de plus de 500 tonneaux, aux plates-formes de voyages internationaux de forage offshore et aux installations portuaires utilisés par les navires engagés dans des voyages internationaux (Boisson, op.cit. OMI et OIT, op.cit.).

Selon le Rapport de la république française (2006), le Code ISPS vise à traiter de la protection contre les actions d’actes terroristes, le transport illicite de marchandises, l’immigration clandestine et les autres actes de malveillance de droit commun. Surtout, il faut noter qu’il vise à établir un cadre international en vue d’internationaliser la réponse contre le terrorisme principalement et tout autre acte malveillant en général.

Aujourd’hui, c’est ce code qui est appliqué par tous les pays membres contractants de l’Organisation Maritime Internationale. Cependant, la question de la gestion de la sûreté portuaire n’a pas définitivement trouvé les réponses. De nombreux problèmes la minent. Pour Haveman et Shatz (2006), l’un des problèmes de la sûreté portuaire est l’activité portuaire en elle-même car elle peut être utilisée comme conduit par lequel les terroristes pourraient préparer des attaques. Aussi, avons-nous les caractéristiques physiques des ports qui font d’eux des cibles potentielles dû à leur dimension et leur grande taille (Kusi, 2015). En Afrique, et précisément en Côte d’Ivoire, l’encombrement des
voies d’accès dû au stationnement anarchique des camions de transports, occasionne des vols. Au niveau de la sûreté portuaire, Scheiner (2008) explique que plus de sûreté n’est pas un problème de technologie mais un problème de personnels et de gestion. Ce travail de recherche a pour objectif d’identifier les insuffisances des dispositifs de sûreté, les décrire et montrer comment elles se manifestent ainsi que les conséquences pour le Port d’Abidjan. L’hypothèse qui sous-tend cette étude est la suivante : les insuffisances des dispositifs de la sûreté expliquent les obstacles de la sécurisation du Port d’Abidjan aux conséquences dommageables pour le port.

MÉTHODOLOGIE
Les enquêtes ont été menées au Port d’Abidjan, un port maritimo-fluviolagunaire et premier port ivoirien devant celui de San-Pédro (Feed the Future, 2019). « Poumon de l’économie ivoirienne », il contribue à 90% des recettes douanières du pays (Latte, 2019). Sa superficie comprend un plan d’eau de 1000 hectares, 105 000 m2 de terre-pleins aménagés, 140 000 m2 de magasins cales et de hangars, une capacité d’accueil de 60 navires et de 34 postes à quai sur 6 km. Il génère 55 000 emplois directs et indirects (Latte, op.cit.). Cette étude est menée uniquement au niveau de la périphérie du PA, des postes de contrôle (6), des zones d’accès restreint (12), des quais (15) et de
l’interface navire/port en vue de recueillir les informations relatives aux insuffisances des dispositifs de sûreté lors de la surveillance et du contrôle.

Dans l’optique de mieux appréhender l’objet de l’étude, nous avons diversifié les sources d’information. A cet effet, la population d’étude est composée de toutes les personnes ayant un lien avec la gestion de la sûreté du port. Elle comprend les trois (3) catégories sociales suivantes :

  • Les acteurs publics de la sûreté du Port d’Abidjan car sur le territoire national, c’est à eux, que revient la charge de maintenir l’ordre public. Il faut préciser que la population se constitue des agents opérationnels de la Direction Générale du port, de la Direction Générale des Affaires Maritimes et Portuaires et de leur supérieur hiérarchique. Cette population concerne 21 agents de la Capitainerie (18 agents opérationnels et 3 officiers supérieurs), 13 agents de la Direction Générale des Affaires Maritimes et Portuaires (10 points ISPS et 3 Responsables en charge de la direction de la sûreté), 14 agents du Groupe Sécurité Portuaire (12 agents postés aux 6 postes de contrôle et 2 officiers), 10 agents du Commissariat de Police Spéciale du Port d’Abidjan en charge de l’immigration/ émigration (8 sous-officiers et 2 officiers).

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