DÉCLARATION : la prise en compte de la pêche artisanale dans la gestion des pêches au prisme d’une approche fondée sur les droits humains

Pratiques actuelles en matière de gestion de des pêches, plus particulièrement dans le domaine de la pêche artisanale – Sous-Comité sur la gestion des pêches, première session, 15-18 janvier 2024
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Nous saluons la proposition du Sous-Comité de la gestion des pêches de la FAO de se concentrer sur la conception d’approches et d’outils de gestion qui seraient les plus adaptés à une pêche artisanale durable. Selon nous, cela nécessite une approche fondée sur les droits humains, telle que développée dans les Directives sur la pêche artisanale. Celles-ci garantissent, d’une part, une gestion responsable des pêches, et, d’autre part, le développement social, l’égalité de genres et la reconnaissance des droits des communautés de pêche artisanale, y compris en termes d’accès aux ressources. À cet égard, nous pensons que l’approche la plus appropriée est de donner la priorité à des programmes de gestion transparents, collaboratifs, sensibles aux considérations de genre, tout en garantissant le respect des droits fonciers et des droits d’accès des communautés de pêche artisanale.

Afin de lutter contre la surexploitation des ressources et la destruction des écosystèmes (en particulier dans les zones côtières), les communautés de pêche artisanale ont demandé la fermeture des zones côtières à la pêche industrielle et à d’autres activités destructrices et polluantes, telles que la production d’énergie en mer, le tourisme et les usines de farine de poisson. Ces zones réservées à la pêche artisanale devraient être entièrement cogérées par le biais de cadres juridiques spécifiques qui définissent clairement les rôles et les responsabilités des autorités et des communautés de pêche. En bénéficiant d’un appui suffisant, ces communautés pourront s’engager dans la cogestion (incluant notamment une compensation pour les coûts liés à la surveillance participative, aux périodes de fermeture de la pêche) et la protection de ces zones contre d’autres industries concurrentes.

Il est essentiel de reconnaître le rôle des femmes dans le secteur de la pêche en tant qu’actrices clés de la cogestion et d’améliorer leur statut et leurs capacités. Il est vital de veiller à ce qu’elles aient des chances égales de participer à la gestion de la pêche, y compris à l’élaboration des politiques nationales et régionales de gestion de la pêche.

La gestion des pêches à elle seule ne peut garantir la durabilité des pêches

Toutefois, dans un contexte où l’économie bleue est en plein essor, la gestion des pêches ne peut à elle seule garantir la durabilité des pêches. Une approche préventive, la transparence et la participation effective des communautés de pêche artisanale devraient guider toute nouvelle utilisation de l’océan. Cela signifie que toute nouvelle utilisation de l’océan susceptible d’avoir un impact négatif sur les écosystèmes et les communautés qui en dépendent ne devrait pas être autorisée. En ce qui concerne la planification de l’espace maritime, qui est présentée comme un moyen d’organiser et de gérer l’occupation et l’utilisation de l’océan par les différents usagers, il sera essentiel de développer, dans la plus grande transparence et avec la participation des communautés côtières concernées, des mécanismes pour : (1) des évaluations indépendantes de l’impact social et environnemental, (2) des consultations permettant une participation informée et active des communautés de pêche artisanale concernées, (3) la résolution des conflits entre les utilisateurs des espaces maritimes, et (4) le règlement des plaintes. À cette fin, il convient d’inclure dans les budgets nationaux des dispositions adéquates pour l’application de la réglementation environnementale, y compris la mise en oeuvre des lois et conventions internationales et régionales, avant d’autoriser toute nouvelle utilisation des océans.

Amélioration de la collecte des données sur les aspects environnementaux et sociaux de la pêche artisanale

Nous nous félicitons de l’accent mis sur la nécessité d’élargir les pratiques actuelles de gestion de la pêche pour y inclure des objectifs écologiques, sociaux, économiques, nutritionnels et de genre. Une première étape pour y parvenir consistera à collecter des données ventilées par sexe pour, d’une part, mettre en évidence les contributions de la pêche artisanale à la sécurité alimentaire, aux moyens de subsistance et à la conservation. D’autre part, la collecte de données permettraient de mettre en évidence les besoins spécifiques à satisfaire pour améliorer le bien-être social des communautés (au niveau des accidents en mer et des activités de transformation par exemple), la sécurité au travail et la protection sociale, y compris la disponibilité de services de garde d’enfants et d’installations de repos.

Le manque de données se fait également sentir dans la pêche artisanale continentale. Il est nécessaire de mieux documenter cette pêche, ses contributions et les défis qu’elle rencontre, afin qu’elle bénéficie de reconnaissance et de soutien aux niveaux national et international.

Si des données importantes sur la gestion de la pêche existent déjà – telles que les informations relatives aux différents accords d’accès conclus par les pays côtiers avec des flottes d’origine étrangère –, il est également important de publier, conformément aux normes minimales de l’Initiative pour la Transparence des Pêches (FiTI), toute information pertinente, y compris la législation, les autorisations de pêche, les données sur les performances et la justification des réglementations de gestion.

ORGP pour les petits pélagiques

Nous soutenons pleinement la proposition visant à élaborer une feuille de route qui garantirait une gestion efficace de 100 % des pêches maritimes et continentales, afin de garantir des stocks sains et d’assurer des moyens de subsistance équitables. Nous pensons que, étant donné la crise alimentaire imminente, en particulier dans les pays en développement, et le rôle clé que joue le poisson dans la nutrition humaine, un objectif supplémentaire devrait être de maximiser la contribution de ces pêches à la sécurité alimentaire.

Dans cette optique, nous demandons que les systèmes d’allocation d’accès aux ressources donnent la priorité à ceux qui pêchent de la manière la plus durable d’un point de vue environnemental et social et qui contribuent le plus à la sécurité alimentaire, en privilégiant le poisson destiné à la consommation humaine plutôt qu’à la chaîne de valeur de transformation des produits de la pêche (la farine et l’huile de poisson par exemple).

Dans le cadre de ses efforts visant à garantir une gestion efficace de toutes les pêches, nous pensons que la création d’une nouvelle ORGP pour la gestion des petits pélagiques en Afrique de l’Ouest devrait être une priorité, car ces ressources partagées, dont certaines sont considérées comme surexploitées, constituent un pilier essentiel de la sécurité alimentaire dans la région.

Organisations signataires :
Afrifish
CAOPA (Confédération Africaine des Organisations de Pêche Artisanale)
CAPE (Coalition pour des Accords de Pêche Équitable)
Coopesolidar
RAMPR (La Red de áreas marinas de pesca responsible)
SSNC (Swedish Society for Nature Conservation)

 

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