La mauvaise note de Djibouti en matière d’environnement

Djibouti, une petite nation de la Corne de l’Afrique qui n’en est pas moins stratégique, est depuis longtemps reconnue pour son importance géopolitique. Abritant des bases militaires de plusieurs puissances mondiales, dont les États-Unis, la France et la Chine, la position de Djibouti le long de l’une des routes maritimes les plus fréquentées au monde, le détroit de Bab-el-Mandeb, en fait un acteur central du commerce international et de la sécurité.

Cependant, sous la surface de sa pertinence politique et stratégique se cache un problème moins discuté mais de plus en plus critique : la dégradation de l’environnement. Alors que Djibouti navigue dans les méandres du développement économique, son environnement subit de plein fouet les effets de la croissance industrielle, de l’urbanisation et du changement climatique.

Ce pays d’un peu moins de 1,3 million d’habitants est confronté à une myriade de défis écologiques qui menacent sa stabilité future et le bien-être de sa population. De la grave pénurie d’eau à la désertification rampante, les problèmes environnementaux de Djibouti brossent le sombre tableau d’une nation qui s’efforce de concilier développement et préservation de l’environnement.

La géographie unique de Djibouti, à la jonction de la mer Rouge et du golfe d’Aden, a longtemps été à la fois une bénédiction et une malédiction. Si sa position en a fait un port vital et un avant-poste militaire, le climat aride et les ressources naturelles limitées du pays l’ont rendu vulnérable aux dures réalités de la dégradation de l’environnement. Avec l’accélération du changement climatique mondial, ces vulnérabilités sont exposées et exacerbées à un rythme alarmant.

Les défis environnementaux auxquels Djibouti est confronté sont multiples et interconnectés. La pénurie d’eau menace les populations urbaines et rurales, tandis que la désertification empiète sur des terres arables déjà limitées. Le littoral de la nation, un atout économique essentiel, est confronté à la pollution et à la dégradation dues à la fois aux activités terrestres et au trafic maritime. Entre-temps, le spectre du changement climatique plane, promettant d’intensifier les problèmes existants et d’en introduire de nouveaux.

La pénurie d’eau est le problème environnemental le plus pressant à Djibouti, affectant profondément les populations urbaines et rurales. Le climat aride du pays, associé à des ressources en eau douce limitées, a créé un état perpétuel de stress hydrique qui a un impact sur tous les aspects de la vie et du développement.

Djibouti n’a jamais réussi à atteindre l’objectif de développement durable n° 6 (ODD 6) des Nations unies, qui consiste à assurer la disponibilité et la gestion durable de l’eau et de l’assainissement pour tous. Fournir un accès à une eau suffisante, sûre, acceptable, physiquement accessible et abordable pour l’usage personnel et domestique a été particulièrement difficile pour Djibouti.

Il existe des lacunes dans les capacités techniques et managériales pour gérer efficacement les ressources en eau. Il s’agit notamment de problèmes liés au contrôle de la qualité de l’eau, à l’entretien des réseaux d’eau et à la mise en œuvre de mesures de conservation de l’eau. Bien que Djibouti ait mis en place des politiques visant à améliorer l’accès à l’eau, leur mise en œuvre a été irrégulière. La faiblesse des structures de gouvernance et l’application limitée des réglementations relatives à l’eau ont entravé les progrès.

Djibouti dépend fortement des eaux souterraines pour son approvisionnement en eau, les eaux de surface étant rares et peu fiables. Cependant, la surexploitation des aquifères a entraîné une baisse du niveau des nappes phréatiques et une augmentation de la salinité dans de nombreuses régions. Les principaux aquifères du pays, situés dans des formations volcaniques et sédimentaires, s’épuisent plus rapidement qu’ils ne peuvent se recharger naturellement, ce qui soulève des inquiétudes quant à leur durabilité à long terme.

Dans les zones urbaines, en particulier dans la capitale de Djibouti, l’infrastructure d’approvisionnement en eau peine à répondre à la demande croissante. De nombreux habitants sont régulièrement confrontés à des pénuries d’eau et doivent faire appel à des services de transport d’eau par camion ou à des puits privés, qui peuvent s’avérer coûteux et peu fiables. La situation est encore plus désastreuse dans les zones rurales, où l’accès à l’eau potable est limité, ce qui oblige de nombreuses personnes à s’approvisionner auprès de sources contaminées ou à parcourir de longues distances pour aller chercher de l’eau.

Le manque d’eau limite fortement la productivité agricole, entraînant l’insécurité alimentaire et la pauvreté rurale. La pénurie d’eau entrave la croissance industrielle et décourage les investissements dans les secteurs à forte consommation d’eau.

Le pastoralisme est un moyen de subsistance traditionnel pour de nombreuses communautés à Djibouti, l’élevage du bétail étant la principale source de revenus et de subsistance. Cependant, la désertification et la dégradation des sols font qu’il est de plus en plus difficile pour les éleveurs d’assurer la subsistance de leurs troupeaux. La réduction de la couverture végétale, la perte de pâturages et la rareté des sources d’eau obligent les éleveurs à migrer à la recherche de meilleures conditions, ce qui entraîne des conflits sur les ressources et une aggravation du stress environnemental.

La désertification et la dégradation des sols constituent des menaces importantes pour les terres arables et les zones pastorales déjà limitées de Djibouti. Les écosystèmes fragiles du pays sont soumis à des pressions croissantes dues à des facteurs naturels et humains.

L’urbanisation et l’industrialisation rapides à Djibouti, en particulier dans la capitale, Djibouti City, ont contribué de manière significative à la dégradation de l’environnement. La population de la ville a augmenté rapidement, entraînant une demande accrue de logements, d’infrastructures et de services. Cette expansion urbaine a entraîné l’empiètement sur les habitats naturels, la déforestation et la perte d’espaces verts.

Le changement climatique a exacerbé le processus de désertification, la hausse des températures et les sécheresses plus fréquentes accélérant l’érosion des sols et réduisant la couverture végétale. La disparition de la vie végétale a contribué à la dégradation des sols, créant un cercle vicieux difficile à briser. La baisse de la qualité des sols entraîne une diminution des rendements agricoles, ce qui menace la sécurité alimentaire.

Malgré la richesse de sa biodiversité marine, les environnements côtiers et marins de Djibouti sont fortement menacés par la pollution et la dégradation. La situation stratégique du pays en tant que plaque tournante du transport maritime contribue à ces défis.

La dégradation des côtes est une autre préoccupation importante, due à la fois à des processus naturels et à des activités humaines. L’élévation du niveau de la mer, potentiellement exacerbée par le changement climatique, menace les zones côtières de faible altitude. Parallèlement, le développement côtier, notamment l’expansion des ports et la croissance urbaine, a entraîné la destruction des habitats côtiers naturels.

Les marées noires, les déversements de déchets et les rejets d’eaux de ballast des navires ont introduit des polluants et des espèces envahissantes dans les écosystèmes marins. La gestion inadéquate des déchets dans les villes côtières a entraîné le déversement d’eaux usées non traitées et de déchets solides dans la mer.

Ce type de pollution nuit aux récifs coralliens, aux mangroves et à d’autres habitats marins essentiels. Les eaux polluées peuvent entraîner une réduction des populations de poissons, affectant à la fois la pêche commerciale et les communautés de pêcheurs de subsistance. Les fruits de mer contaminés et les plages polluées présentent des risques pour la santé des communautés côtières.

Le port de Djibouti, géré par l’Autorité des ports et des zones franches de Djibouti (DPFZA), est une plaque tournante essentielle pour le commerce et un pilier de l’économie nationale. Cependant, l’expansion rapide et les activités industrielles associées au développement du port ont soulevé d’importantes préoccupations environnementales.

La construction et l’extension des infrastructures portuaires impliquent souvent des travaux de poldérisation et de dragage, qui peuvent détruire des habitats essentiels tels que les mangroves, les récifs coralliens et les zones humides côtières. Ces écosystèmes fournissent des services essentiels, notamment la protection des côtes, le piégeage du carbone et l’habitat de la vie marine.

Les opérations portuaires et les activités de transport associées génèrent une pollution atmosphérique et sonore importante. Les émissions des navires, des équipements de manutention des marchandises et des véhicules contribuent à la mauvaise qualité de l’air, ce qui peut avoir des effets néfastes sur la santé des communautés locales. La pollution sonore due aux opérations portuaires peut également perturber la vie marine et affecter la qualité de vie des riverains.

En réponse à ces défis, la Banque mondiale a conseillé à Djibouti d’affiner sa politique portuaire, en soulignant la nécessité d’incorporer des normes environnementales solides dans les plans de développement de la DPFZA. Cette recommandation vise à équilibrer la croissance économique et la durabilité environnementale, en veillant à ce que les ports de Djibouti continuent de prospérer sans compromettre les écosystèmes naturels et les communautés qui les entourent.

La Banque mondiale insiste sur l’importance de réaliser des études d’impact environnemental (EIE) complètes pour tous les projets de développement portuaire. Les EIE doivent identifier les impacts environnementaux potentiels, évaluer leur importance et proposer des mesures d’atténuation pour minimiser les effets négatifs. Ce processus garantit que les considérations environnementales sont intégrées dans les étapes de planification et de prise de décision du développement portuaire.

Djibouti a développé plusieurs politiques et stratégies nationales pour traiter les questions environnementales. Le Plan d’action national pour l’environnement (PNAE) définit les priorités et les actions du gouvernement en matière de conservation de l’environnement et de développement durable. Le plan souligne la nécessité d’une gestion intégrée des ressources en eau, du reboisement et de la protection de la biodiversité. En outre, Djibouti s’est engagé à respecter les accords internationaux sur l’environnement, notamment l’Accord de Paris sur le changement climatique.

Le lac Assal, situé au centre de Djibouti, est l’une des étendues d’eau les plus salées au monde et constitue un atout naturel unique. Cependant, le lac et ses environs subissent une dégradation environnementale due à l’extraction non durable du sel, aux activités touristiques et aux effets du changement climatique.

Le projet de restauration du lac Assal, lancé par le gouvernement djiboutien en collaboration avec des partenaires internationaux, vise à restaurer et à protéger l’écosystème du lac. Il s’agit de réglementer les pratiques d’extraction du sel, de promouvoir le tourisme durable et de mettre en œuvre des mesures de conservation pour préserver la biodiversité du lac. L’implication des communautés et les activités de sensibilisation font partie intégrante du projet, garantissant que les résidents locaux participent activement aux efforts de conservation.

Bien que le projet ait progressé, il reste des défis à relever. L’équilibre entre les activités économiques telles que l’extraction du sel et le tourisme et la conservation de l’environnement nécessite un suivi continu et une gestion adaptative.

La dépendance de Djibouti à l’égard des combustibles fossiles importés pour la production d’énergie contribue aux émissions de gaz à effet de serre et à la pollution de l’environnement. Pour résoudre ce problème, le gouvernement a lancé l’initiative Djibouti Solar Energy, qui vise à augmenter la part des énergies renouvelables dans le bouquet énergétique national.

Cependant, des défis tels que le financement, l’expertise technique et les cadres réglementaires signifient qu’il faudra plus de temps pour assurer l’extensibilité et la durabilité des projets d’énergie solaire dans le pays.

SOURCES

  1. https://unsdg.un.org/latest/stories/djibouti-drought-forgotten-crisis
  2. https://www.researchgate.net/publication/299442715_Assessment_of_the_Environment_Pollution_and_its_impact_on_Economic_Cooperation_and_Integration_Initiatives_of_the_IGAD_Region_National_Environment_Pollution_Report_-_Djibouti
  3. https://climateknowledgeportal.worldbank.org/sites/default/files/2021-02/15722-WB_Djibouti%20Country%20Profile-WEB.pdf
  4. https://www.iaea.org/newscenter/pressreleases/djibouti-with-iaea-support-opens-observatory-to-monitor-climate-change-impacts
  5. https://www.afdb.org/en/documents/djibouti-geothermal-exploration-project-lake-assal-region-djibouti
  6. https://www.irena.org/-/media/Files/IRENA/Agency/Publication/2015/IRENA_RRA_Djibout_2015_EN.pdf?rev=86552a8aa37b4a6598bde1b8edf674af
  7. https://pdf.usaid.gov/pdf_docs/PA00M84M.pdf
  8. https://african.business/2024/05/dossier/how-djibouti-will-produce-100-green-energy-by-2035
  9. https://www.reuters.com/article/idUSTRE7AO10G/