Le bateau M/S « Le JOOLA », 20 ans et près de 2.000 morts et après

Le Joola à Ziguinchor en 1991. Photo : Yaamboo – Wikipédia

La mer constitue depuis la nuit des temps, un espace privilégié pour les hommes et le développement des civilisations. Pour se nourrir, pour commercer, pour voyager. Bien avant la voiture, les trains et les avions, les bateaux ont constitué le seul moyen de commercer et s’ouvrir au monde. Pour le meilleur et pour le pire.

L’aléa qui détermine la navigation maritime à travers la grosse aventure est celle qui va retenir toute notre attention en tant qu’événement de mer. Malgré les précautions prises en matière de sécurité maritime, un sinistre, un péril peut à chaque fois se présenter. La mer, ou la mère Nature tout comme la volonté divine échappe à la main de l’homme.

A cela, il serait aussi bon d’ajouter « le fait de l’homme ». Ce dernier se caractérise -selon le dictionnaire des termes juridiques par « une volonté de l’homme » dont les conséquences « ne sont pas désirées par leur auteur mais qui suppose, à un moment donné, l’action d’un individu » pouvant conduire à la réalisation d’un délit ou d’un crime.

C’est ce comportement humain quelque peu fataliste et irresponsable qui caractérise dans la majeure partie des cas les accidents de mer. Comme celui que nous devons évoquer en ce triste anniversaire du naufrage du Joola.

L’histoire d’un naufrage, terrible et meurtrier d’un ferry prévu pour une capacité maximale de 536 passagers selon le journal « Le Point ». Et qui assurait la voie maritime de Ziguinchor pour rallier son autre port de rattache à savoir Dakar, la capitale sénégalaise en passant par les eaux territoriales gambiennes.

En raison de la situation politique qui prévalait dans cette partie sud du Sénégal, l’exploitation commerciale de ce moyen de transport avait été confié aux militaires pour des questions de sécurité mais également pour des raisons de discipline dont a toujours fait montre ce corps. En prenant ainsi une telle décision, les décideurs avaient sans doute fait fi du comportement qui caractérise une partie de nos semblables homosenegalensis, l’irresponsabilité ajoutée au fait de s’en remettre toujours à la volonté divine.

Ce funeste jeudi 26 septembre 2002, tout le pays devait se réveiller dans la stupeur. Le M/S Joola avait coulé. Submergé par des vagues mais d’abord par cette irresponsabilité humaine. Le bateau parti ce jour du 26 septembre ne verra ainsi plus jamais les lueurs de l’aube dakaroise emportant avec lui des familles entières, des enseignants, des étudiants, des touristes, des commerçants dans un dernier voyage sans retour.

Préalablement à ce naufrage sans précédent, il ressort du rapport de la commission d’enquête sur les causes du naufrage « Le JOOLA », que le navire, suite au carénage qu’il a avait subi entre novembre 2000 et juin 2001 « consécutif à une demande de reclassification, le bureau veritas qui avait suivi les travaux en cale sèche conformément à son mandant… » n’avait délivré à l’époque qu’«une certi fication de classe provisoire au bateau… ». Toutefois, il serait nécessaire de préciser de prime abord que le certificat dont il s’agit en l’espèce n’était « valable que pour la période du 25 Juillet 2001 au 31 décembre 2001 avec différentes réserves »

Par ailleurs, et pour reprendre un langage cher au monde maritime, un premier « may day » avait selon des rumeurs été lancé à travers la presse. En effet, le 26 mai 2001 soit quatre mois avant le drame, des rumeurs faisaient déjà état d’une disparition du Joola.

En effet,« Le Joola » prévu pour 536 passagers (hors équipage), naviguait cette nuit-là avec près du quadruple à son bord soit 2 000 passagers. D’aucuns parlent même d’un chiffre plus important. Sans compter la marchandise à bord ainsi que quelques véhicules.

Après « Le Doña Paz » du Philippine, et ses 4386 disparus en 1987, et bien plus que le fameux « Titanic » en 1912 coulé après une collision avec un iceberg, le naufrage du Joola » constitue la deuxième plus grand catastrophe que le monde n’ait jamais connu dans le domaine du transport maritime de passagers.

Un bateau qui n’aurait jamais du prendre la mer si l’on se fie aux premières réactions du Président de la république de l’époque. Il disait ainsi du « Joola » que ce « bateau est un bateau pour les rivières, les lacs et les fleuves et non pour la haute mer. » Plus tard, il sera révélé que le bateau avait pris l’eau sans un tirant d’eau fonctionnel, avec des ballasts non opérationnels ainsi qu’avec qu’un seul moteur au lieu de deux.

Des secours, il y en eut français surtout mais comme le dit l’adage ce sera « médecin après la mort » . Mais il était trop tard. L’alerte n’avait été donnée que seize heures après le naufrage.

Les faits étant exposés, 20 ans après, une question se pose : pourquoi le procès n’a pas eu lieu, pourquoi cela a-t-il fait l’objet d’une classification sans suite.

Quelle responsabilité engagée dès lors que le capitaine, gardien du navire ait coulé tout comme son navire ou celle-là devrait aussi couler tout comme le navire en question? 

Est-on en droit de classer le dossier dans le seul but ou fait que la responsabilité du capitaine emporte celle de toute une institution? 

Dès lors qu’en droit, l’aveu est la tentation du coupable, la responsabilité de l’Etat sénégalais n’est-elle pas à engager dans toute sa dimension eu égard notamment aux déclarations faites par son Président de l’époque? 

Le navire en question bénéficiait t’elle d’une police d’assurance ? Si oui quel est l’assureur en question ? 

Pourquoi y’a t’il pas eu un système d’indemnisation de sa part en lieu et place du montant forfaitaire versé par l’Etat?

Par DIABY Mahamadou
Juriste, Maître ES Droit et Sécurité des activités maritimes et océaniques – Université de Nantes et Centre Trainmar de Dakar
E-mail: mouhammeddiaby@icloud.com / mouhammeddiaby@hotmail.fr