L’Exploitation des Pavillons Africains par des Operateurs de Navires de Pêche à Haut Risque

Un rapport publié aujourd’hui conjointement par les organisations internationales spécialisées dans le renseignement maritime, TMT et I.R Consillium, met en évidence les méthodes utilisées par des opérateurs de navire de pêche étrangers afin d’accéder et d’exploiter des pavillons africains dans l’objectif de contourner la loi. Ce rapport examine l’existence de lacunes dans certains systèmes d’attribution de pavillon africain permettant un tel détournement.

En 2027, il est estimé que le marché global de la pêche atteindra une valeur de 194 milliards de dollars, constituant ainsi un attrait de gain financier pour les acteurs de la pêche illégale. Les navires dit à « haut risque » correspondent à des navires impliqués dans des activités de pêche illégale, non déclarée et non réglementée (INN), des pratiques destructives et non durables pour l’environnement et/ou des navires participants à des formes plus larges de criminalités organisées. Les propriétaires de ces dits navires cherchent à exploiter les ressources halieutiques d’un Etat tout en contournant ses mesures de gestion et de contrôle des espèces maritimes.

Bien que les pêcheries africaines soient relativement en bon état, le continent fait face à des problèmes de gouvernance et à des moyens limités de contrôle et de gestion des pêches.

Le continent Africain constitue ainsi le terrain de jeu idoine de ces propriétaires de navires à haut risque qui s’essayent à différentes pratiques pour échapper à toutes responsabilités. Reconnaitre l’existence d’un tel phénomène constitue le point de départ afin d’identifier les moyens d’actions possibles.

Pendant plusieurs années l’existence d’un « lien substantiel » entre l’Etat du pavillon et les propriétaires / armateurs de navire a été source d’inquiétude et de débat. Cependant, l’attention se porte dorénavant sur la possible relation entre certains Etats du pavillon et des navires dits à « haut risque ».  Ces liens sont particulièrement perceptibles en Afrique où certains propriétaires de navires recourent à des pavillons africains afin d’échapper à toute surveillance mais aussi pour pécher illégalement et de manière non durable à la fois dans les eaux sous juridictions nationales et dans les eaux internationales.

Ce rapport met en évidence deux pratiques distinctes d’attribution à risque de pavillon :

  1. « Le pavillon de complaisance », constitue le recours à des libres immatriculations dans des pays africain permettant de pécher au-delà de toutes juridictions nationales.
  2. « Flagging-in », constitue au recours et au détournement des règles locales d’attribution de pavillon africain pour un navire appartenant et/ou opérer par un étranger lui permettant ainsi de pêcher dans l’espace maritime africain.

Ces deux méthodes permettent à des opérateurs de navire de pêche à haut risque d’accéder à l’espace maritime africain. Ils pourront non seulement conduire une activité de pêche illégale et non durable mais aussi empiéter sur les droits souverains dont disposent les autres Etats côtiers sur leurs ressources naturelles.

Ce rapport établit que la majorité des Etats-côtiers africains ont attribué leur pavillon à des navires ayant conduit des activités de pêche illicites, d’après les listes de navires INN et des sources nationales. Plusieurs cas d’études mettent en évidence la manière dont ces opérateurs de navire à haut risque bénéficient de l’accès au pavillon d’Etats africains.

Alors que le continent africain doit faire face à de nombreux défis maritimes, l’exclusion des opérateurs de navires de pêche à haut risque des pavillons africain est une étape critique pour sécuriser l’espace maritime des Etats-côtiers afin d’en favoriser le développement.

Heureusement, pour tous les Etats soucieux de préserver leur souveraineté sur leurs ressources naturelles et leur réputation, il existe des moyens d’actions afin d’empêcher l’accès à leur pavillon aux opérateurs à haut risque :

  • S’assurer que la décision d’attribution de pavillon est conduite selon une approche inter-service qui garantit la bonne gestion et surveillance des navires ainsi que leur intégration au programme de gestion des pêches.
  • S’assurer que toutes demandes de pavillons fassent l’objet de scrupuleuses vérifications préalables.
  • Fermer l’accès à libre immatriculation aux navires de pêche.
  • Renforcer la surveillance sur le rôle des sociétés privées dans la libre immatriculation tant que celles-ci peuvent prendre des décisions sans ou avec peu de consultation de l’Etat du pavillon.
  • Retirer de son pavillon tout « mauvais » operateurs pour préserver la réputation de l’Etat et pour démontrer son attachement à la règle de droit. Les pavillons africains devraient « dé-pavillioner » et refuser les demandes des navires impliqués dans une activité de pêche INN.
  • Renforcer les conditions d’accès et de conformités au pavillon, notamment pour les pavillons de libres immatriculations afin de démontrer leur volonté de préserver la souveraineté africaine sur ses ressources.
  • Etablir et renforcer les sanctions à l’encontre des opérateurs de navire ayant conduit des activités illicites. Celles-ci devraient être mises en place par l’Etat du pavillon.
  • Renforcer les moyens de communication et de coopération entre les Etats du pavillon et les Etats des opérateurs afin d’identifier les risques associés à l’attribution du pavillon mais aussi pour prendre des mesures coercitives dans le cas de la commission d’une infraction.

La participation d’acteurs internationaux est nécessaire pour faire face à la surexploitation des pavillons de libres immatriculations et pour identifier les tactiques sournoises utilisées par les opérateurs de navires pour contourner la loi. Bien que les Etats africains exercent un control sur leur pavillon, seul une collaboration internationale permettrait d’interdire le recours aux pavillons de libre immatriculation étrangers conduisant des activités de pêche INN dans les espaces maritimes africains et au-delà.

Duncan Copeland, Directeur Exécutif de TMT déclare: “Tout navire de pêche a besoin d’un pavillon, et chaque Etat du pavillon a besoin de gérer efficacement ses navires de pêche. S’assurer que les opérateurs à haut risque ainsi que leur navire ne puissent accéder à un pavillon et à une zone de pêche, est la mesure la plus efficace et rentable qu’un Etat puisse entreprendre pour préserver sa réputation et de réduire le risque de pêche INN. Chaque Etat et la communauté internationale ont l’opportunité de mettre fin à cette faille relative à l’usage des pavillons de complaisance qui contribuent à des pratiquent de pêche illégale et non durable en Afrique et dans le reste du monde”.

Dr. Ian Ralby, CEO, I.R Consilium, disait: “Au-delà de toutes problématiques juridiques et maritimes, l’attribution de son pavillon à un navire de pêche relève de la souveraineté d’un Etat. Les pays africains devraient non seulement avoir le contrôle exclusif de leurs ressources naturelles, mais aussi le contrôle exclusif des entités étrangères présente sur leur territoire pouvant altérer leur réputation et empiéter les ressources d’autres pays. Bien que le continent africain doit faire face à de nombreux problèmes de gouvernance maritime, cette problématique peut être résolue via une application répétée et méticuleuse de bonnes pratiques. L’Afrique est de loin le continent qui souffre le plus des conséquences de la pêche INN sur la sécurité et souveraineté alimentaire, l’environnement marin et l’Etat de droit. Se réapproprier le control des pavillons africains et les rendre moins accessibles aux opérateurs à haut-risque permettraient à la fois de renforcer la souveraineté des Etats africains mais aussi de lutter contre la pêche INN en Afrique et dans le reste du monde”.

Le rapport complet sur l’Utilisation de Registres d’Immatriculation Africains par des Operateurs de Navires de Pêche à Haut Risque est disponible en français et en anglais 

Images : © TM-Tracking 

Communiqué de presse : TMT