Sécurité portuaire : des experts du projet WeCAPS en appui des ports africains (fin)

  • Samuel CHAMPON, expert protection civile

Q : Quel est votre rôle et l’importance de la protection civile dans le domaine portuaire et maritime ?

Je travaille sur le volet sécurité, mais sécurité au sens protection des personnes, de l’environnement, etc. Que l’on soit dans le domaine maritime ou dans le domaine portuaire, on fait face à des enjeux de sûreté, des enjeux de sécurité qui menacent ce qu’on appelle les aléas, c’est à dire les populations, l’environnement, etc. La raison d’être d’un port c’est son activité économique, mais qui ne peut se faire à n’importe quel prix. Si on ne prend pas en compte la partie sûreté ou sécurité, on se retrouve avec une absence de compétitivité parce qu’inévitablement, les acteurs maritimes n’auront pas confiance, les armateurs ne voudront pas faire de débarquement, etc. Donc, un port a besoin d’avoir une croissance économique, mais qui doit s’accompagner d’une croissance en termes de moyens mis en œuvre pour prendre en compte ces problématiques sécuritaires. Il faut réussir à mettre en place des moyens pour pouvoir minimiser ces risques.

L’objectif pour un port comme Dakar aujourd’hui, c’est d’être conscient qu’il a des perspectives et une stratégie de développement, mais qu’elles sont nécessairement accompagnées d’une stratégie sécuritaire pour pouvoir être compétitif.

L’objectif de WeCAPS, c’est de faire un état des lieux de la situation en matière d’analyse de risque. Dans un port, on trouve du coton, des matières dangereuses, des produits chimiques comme le soufre, des hydrocarbures, du gaz, du phosphate, etc., en importation, en exportation  et donc sur un espace très réduit. Si on le regarde d’un point de vue sécurité, on a sur une très petite surface de forts enjeux sécuritaires. La particularité, c’est que cette concentration de risques vient se superposer à la présence de la ville parce que le port de Dakar a été construit en plein centre-ville et la ville s’est agrandie autour de ce port et là, on a des enjeux avec les travailleurs, des enjeux avec les populations.

Q : Le fait que le port de Dakar se soit développé au beau milieu de la ville augmente-t-il encore le risque ?

Oui. On a ce qu’on appelle les aléas et les enjeux. Les aléas, c’est ce qui est à l’origine des problèmes et les enjeux, c’est ce qui a une répercussion. On a l’habitude de marquer ça :

SourceFluxCibles

Et donc, c’est cette notion de superposition d’un aléa et d’un enjeu qui détermine ce qu’on appelle un risque. Et ce risque dans une installation portuaire est avéré. Et les enjeux, c’est que vous avez un impact sur les populations, sur les personnes, sur les biens mais également sur l’environnement.

Q : Quel sont les problèmes d’environnement auxquels fait face le port de Dakar ou la plupart des ports ?

Le Sénégal va exploiter une zone pétrolière  susceptible d’avoir un impact sur l’environnement. Aujourd’hui, il est donc nécessaire que le pays anticipe l’impact que pourrait avoir cette exploitation pétrolière. Il est nécessaire d’avoir également une approche sécuritaire.

Q : Mais à part le pétrole, est-ce qu’il y a de gros problèmes environnementaux en général, en Afrique ?

Ce sont les matières dangereuses qui présentent un risque pour l’environnement, mais surtout pour les populations. Le port concentre des matières dangereuses qui sont soit en transit, soit stockées. Et notre rôle avec WeCAPS, c’est d’accompagner nos partenaires africains. Si on ne peut pas complètement les supprimer,  trouver des solutions pour pouvoir les limiter. Faire des formations pour le personnel pour qu’il soit en mesure d’intervenir en cas de sinistre. Travailler sur la question des matières dangereuses et former les pompiers pour pouvoir intervenir en cas d’incident.

Q : Est-ce qu’il y a d’autres paramètres qui entrent dans l’environnement d’un port, et qui pourraient lui nuire ?

Il faut distinguer deux choses, ce qu’on appelle l’aigue, du chronique. C’est-à-dire que si tous les jours vous avez des déversements, de la pollution, parce qu’il n’y a pas de système d’épuration par exemple, parce que vous avez des déversements réguliers. Là, on est dans ce qu’on appelle le chronique.

Et puis, vous avez l’aigue, c’est-à-dire une crise, un déversement d’hydrocarbures, la SAR qui a un problème. Et donc, il y a la Direction de l’Environnement qui est là pour intervenir. Elle a des gens qui suivent ces pollutions, ces nuisances, et d’autres qui travaillent sur les questions liées à la réglementation.

Q : Citer nous quelques nuisances chroniques auxquelles fait face le port de Dakar.

Vous avez trois types de nuisances qui sont importantes à prendre en compte. Des pollutions qu’on appelle aquatique, qu’on peut appeler hydrique également, c’est la pollution de l’eau. Vous avez une pollution de la terre qu’on appelle tellurique, c’est-à-dire des infiltrations. Et puis vous avez la pollution atmosphérique qui crée des nuisances sur les populations, mais aussi sur la faune, la flore, etc. Il est important de maîtriser ces nuisances à la source. Et c’est pour cela qu’il y a une responsabilité des gens qui génèrent des risques, mais il est aussi nécessaire de mettre en place des contrôles. Et c’est toute une stratégie qui est menée par différents ministères (ministère des Transports, ministère de l’Intérieur, ministère des Armées, et le ministère de l’Environnement), avec l’intervention de la police et de la gendarmerie notamment.

Si je devais résumer le tout en une phrase,  c’est que l’activité économique d’un port doit nécessairement être associée à une prise en compte sécuritaire par les responsables, à la fois au niveau du domaine portuaire, mais aussi au niveau du gouvernement avec le ministère des Transports, le ministère de l’Environnement, etc. Nous devons travailler tous ensemble et c’est pour ça que WeCAPS intervient auprès des ports de la région.