Vox Pop : Le Sénégal vient de publier la liste des bateaux autorisés à pêcher dans les eaux du pays. En quoi cet acte est-il important pour le secteur et comment pourrait-il impacter les acteurs sénégalais de la pêche ?

Avis n°2 : Médina THIAM

Permettez-moi tout d’abord de féliciter le Président de la République, Son Excellence, Bassirou Diomaye FAYE et son Premier Ministre, Monsieur Ousmane SONKO, pour avoir fait le choix de mettre à la tête du Ministère en charge des Pêches au Sénégal, Dr Fatou DIOUF, une femme experte et d’expérience dans le domaine. Le monde maritime salue cette nomination, une première dans la gouvernance océanique de notre pays, ce qui permet de magnifier et de confirmer le leadership des femmes dans le secteur de l’Économie Bleue.

Notre Ministre des Pêches, des Infrastructures Portuaires et Maritimes vient de publier la liste des navires autorisés à pêcher dans les eaux sénégalaises, ce 06 mai 2024. Ladite liste comprend : 132 navires nationaux, 19 bateaux étrangers, 17.449 pirogues et 7.493 permis de pêche ; excepté les dossiers en cours de renouvellement. Cet acte novateur ouvre l’ère de la Transparence dans le domaine des Pêches, jusqu’ici perçu comme opaque aussi bien dans le sous-secteur de la pêche industrielle que dans celui de la composante artisanale.

À cet égard, il convient de rappeler que notre pays, doté généreusement de 718 kilomètres de côtes poissonneuses dispose d’un secteur des pêches qui joue un rôle prépondérant dans l’économie sénégalaise grâce à une contribution de plus de 3 % au PIB et à une création d’emplois directs et indirects d’environ 2 millions.

Quelques chiffres de la Direction des Pêches Maritimes (DPM), habilitée à collecter et à fournir les statistiques du secteur des pêches au Sénégal, illustrent l’importance de ce secteur. En 2019, la production totale des pêches était estimée à 533.479 tonnes de produits halieutiques pour une valeur de commerciale de 273 milliards de francs CFA avec une part de la pêche artisanale avoisinant 83% de la production nationale et une pêche industrielle qui représente 17% avec 92.876 tonnes de produits de pêche.

Grâce à cette publication, tous les acteurs de la chaîne de valeur des pêches au Sénégal restent informés du nombre de navires battant pavillon sénégalais et étranger, pêchant dans les eaux sénégalaises, avec les caractéristiques desdits navires, les autorisations ou licences accordées, les moyens utilisés par les acteurs de pêche pour la capture des ressources halieutiques, les espèces pêchées et leurs quantités, leur destination et la valeur commerciale des produits pêchés.

Au demeurant, ce partage d’informations permet aux différentes institutions ou structures dédiées et partenaires de travailler en synergie, et surtout à partir d’une même base de données pour des projets gagnant – gagnant.

Conformément aux exigences constitutionnelles disposant que « les ressources naturelles appartiennent au peuple et sont utilisées pour l’amélioration de ses conditions de vie » (Art.25 de la Constitution), cette publication est un devoir pour les Autorités afin de signifier aux populations l’exploitation ou l’usage des ressources halieutiques. Les communautés n’en seront que davantage satisfaites et éclairées.

On note aujourd’hui une recrudescence de criminalité maritime organisée dans les espaces maritimes ouest africains provoquant une fragilisation de leurs économies. L’insûreté maritime notée dans la sous-région regroupe la piraterie, le terrorisme maritime, les trafics illicites d’êtres humains, de drogues et d’armes, le blanchiment d’argent et surtout la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN). Le Sénégal n’est pas en reste ; malheureusement il est également le théâtre d’activités maritimes criminelles et organisées. Les infractions de pêche menacent la souveraineté maritime et alimentaire du Sénégal.

A cela s’ajoute l’interrogation d’acteurs sur la nationalité effective de certains navires du Pavillon sénégalais et les accusations sur des bateaux industriels, particulièrement étrangers surexploitant les mers. Selon eux, à cause de cette surpêche et de la raréfaction du poisson, les jeunes pêcheurs ne voudraient plus travailler dans le milieu et se laisseraient tenter par l’émigration clandestine.

De surcroît et pour en revenir au cadre de la lutte contre la pêche illégale, un inspecteur de l’État du Port ou un agent assermenté de l’État qui travaille dans une brigade de surveillance, pourra repérer facilement les navires qui ne sont pas sur la liste publiée des navires de pêche, préparer sa mission de contrôle et procéder à l’arraisonnement du navire si les faits d’illégalité sont avérés ou étayés par des preuves tangibles, relativement aux normes ou règlements fixés par l’État du Port (OMI) ou selon l’accord relatif aux mesures du ressort de l’État du Port (FAO).

Cette publication de la liste des navires permettra ainsi la poursuite du projet stratégique du gouvernement en matière de pêche, de sa gestion durable et transparente des ressources halieutiques, de la lutte contre la criminalité maritime, de la préservation des écosystèmes marins, de l’évaluation de la flotte nationale, des contrats maritimes et des accords de pêche.

De la sorte, une Résilience durable et une Transformation pérenne de l’économie bleue de notre Nation, basée sur une confiance accordée par les acteurs et la population, seront assurées.

Médina THIAM

Experte en Développement.

Consultante sur les questions de Résilience Bleue, la Criminalité maritime organisée,

la Sûreté, la Corruption, la Pêche, le Genre dans le secteur maritime et le domaine des pêches.

Administrateur des Affaires maritimes.