La guerre amicale et silencieuse entre les ports africains
Depuis bien des années, il existe une concurrence entre les ports maritimes africains. Cette concurrence, menée par les autorités portuaires, se joue cependant de façon amicale et silencieuse. Dans cette bataille interportuaire, les autorités portuaires ont mis en place de rudes stratégies commerciales visant à attirer plus de trafic, et parfois à en détourner chez leurs concurrents.
Cette rivalité se joue notamment d’une part sur :
- la situation géographique ;
- la sécurité et la sûreté du port et de ses installations ;
- la facilité des procédures administratives et douanières ;
- les tarifs portuaires (redevance, frais de port, etc.) ;
- la rapidité des opérations de manutention (cadence) ;
- le délai d’attente des navires en rade ;
- la longueur des quais ainsi que leurs profondeurs la capacité de stockage (entrepôt, magasin, terre-plein, etc.) ;
- les dessertes routières et ferroviaires (route, rail)
- etc. En gros tout ce qui conduit à jauger la compétitivité d’un port.
D’autre part, elle a lieu sur la desserte des pays sans façade maritime dite pays de l’hinterland.
On note un total de 16 pays africains sans façade maritime répartis comme suit :
- en Afrique de l’Ouest, au nombre de 3 à savoir : le Burkina Faso, le Mali et le Niger ;
- en Afrique Australe, au nombre de 6 à savoir : le Botswana, le Lesotho, le Malawi, le Swaziland, la Zambie et le Zimbabwe ;
- en Afrique de l’Est, un total de 4 à savoir : l’Éthiopie, l’Ouganda, le Rwanda et le Soudan du Sud ;
- au centre, au nombre de 3 à savoir : le Burundi, la République Centrafricaine et le Tchad.
En fait, cette concurrence vise à gagner le marché du transit des marchandises des pays de l’hinterland représentant une part non négligeable dans le commerce africain (en termes de trafic des marchandises).
Toutefois, cette compétition n’empêche pas les ports maritimes africains de s’entraider mutuellement, n’hésitant pas à solliciter les compétences de leurs concurrents. Comme ce fut le cas du Port Autonome de Dakar (PAD), au Sénégal, qui confronté à un problème de congestion portuaire n’a pas hésité à se tourner vers son homologue, le Port Autonome de Cotonou (PAC) qui a réussi à mettre en place un système de gestion des f lux des camions basé sur la dématérialisation des procédures d’enlèvement des marchandises. Ce système, adossé au Guichet Unique Portuaire automatisé (GUP@) a permis au Port de Cotonou de se débarrasser de la congestion.
Cette entraide mutuelle, se traduit également par le regroupement des ports maritimes africains dans des organisations telles que :
- l’AGPAOC (Association de Gestion des Ports de l’Afrique de l’Ouest et du Centre), une organisation économique intergouvernementale sous-régionale, créée lors de l’Assemblée inaugurale historique d’octobre 1972 à Freetown en Sierra Leone ;
- l’AGPAEA (Association de Gestion des Ports de l’Afrique de l’Est et Australe) : organisme intergouvernemental à but non lucratif, créé dans l’objectif de renforcer les relations entre ses ports membres en vue de promouvoir la coopération régionale et, par la suite, l’intégration régionale ;
- l’UAPNA (Union des Administrations Portuaires du Nord de l’Afrique) créée sur l’initiative de la Commission Économique de l’Afrique, relevant des Nations Unies, à l’issue de la Conférence des ministres africains des transports, tenue en juin 1974 à Alexandrie en Égypte;
- l’APCP (Association Panafricaine de Coopération Portuaire) qui est une fédération de trois associations portuaires l’AGPAOC, l’AGPAEA et l’UAPNA.
La concurrence interportuaire bien qu’existante, présente cependant un avantage bénéfique au développement du continent africain, poussant les ports à être plus compétitifs.
Spécialiste en Management Portuaire et Maritime