La perte du connaissement (1ère partie)

Depuis des siècles, le transport a connu plusieurs formes. Mais, le transport par mer est l’un des plus anciens et les plus attractifs de l’histoire. Ainsi, le développement de la société, avec la mondialisation, constitue une cause de l’essor du transport maritime.

En outre, loin du transport maritime de passager, l’expédition maritime de marchandise est ce qui rend ce type de transport spécial, avec beaucoup de situations crées entre les acteurs.

Parmi elles, l’aspect purement juridique qui constitue un des facteurs donnant une dimension réelle au droit en général et au droit maritime en particulier.
Dès lors, le législateur maritime a organisé le transport en mer à travers des mécanismes solides permettant aux acteurs de bien pratiquer leur activité maritime de prédilection, à savoir le transport de marchandise par la voie des océans.

De l’organisation de l’expédition, à la sécurité du transport, en passant par les délais, le droit maritime organise de fond en comble le transport de marchandise par mer. Mais l’aspect le plus novateur et ayant une place primordiale dans la législation maritime internationale moderne, demeure le connaissement.

Pour l’essentiel, les termes de la problématique conduisent à s’interroger sur la notion de connaissement ainsi que des conséquences liées à sa perte, au vu de son importance. Ainsi, la connaissance, d’emblée, de ce document de transport maritime permettra, ensuite, de jauger les conséquences qui découleront de sa perte.

Le connaissement

Le droit maritime, émanant du droit international, son organisation est principalement du ressort des organismes internationaux (Organisation des Nations Unies), en l’occurrence l’Organisation Maritime International (OMI).

Cette dernière, à travers ses mécanismes juridiques, plus précisément les conventions internationales, a défini les contours du connaissement (en anglais bill of lading).

En premier lieu, le connaissement fut règlementé par la Convention pour l’unification des règles en matières de connaissement, dite Convention de Bruxelles de 1924, puis en second lieu, la Convention de Hambourg de 1978.

Ainsi, la Convention des Nations Unis sur le transport de marchandises par mer dite Règles de Hambourg de 1978 stipule en son article 1ér alinéa 7 que « le terme « connaissement » désigne un document faisant preuve d’un contrat de transport par mer et constatant la prise en charge ou la mise à bord des marchandises par le transporteur ainsi que l’engagement de celui-ci de délivrer les marchandises contre remise de ce document. Cet engagement résulte d’une mention dans le document stipulant que les marchandises doivent être délivrées à l’ordre d’une personne dénommée ou à ordre ou au porteur ». Cette même définition est (1) consacrée par l’article 1(b) du Code de la marine marchande sénégalais.

En clair, le connaissement est considéré comme un symbole représentatif de la marchandise et sa transmission entraîne la transmission des droits sur la cargaison, si telle est l’intention des parties. Ainsi, il constitue un titre de propriété des biens et sa possession est équivalente à la possession de la marchandise. (2)

Le connaissement est ce qui lie les acteurs de l’expédition maritime de marchandise s’il est émis. Le transporteur s’y réfère pour connaitre le destinataire, la personne habilitée à prendre livraison des marchandises. Mais ce dernier aussi, se sert du connaissement, comme titre authentique, pour réclamer sa marchandise.
Il a un caractère probatoire en prouvant la réception des marchandises par le transporteur et leur état au moment de la remise, mais aussi il prouve l’existence du contrat de transport. Le connaissement est le « reçu » des marchandises.

Cette représentation du connaissement (reçu) est l’une de ses plus anciennes marques. Il permet d’avoir des informations sur la réception et la conformité de la marchandise au chargement et au déchargement.

En outre, l’article 47 des Convention des Nations Unies sur le contrat de transport international de marchandises effectué entièrement ou partiellement par mer (« Règles de Rotterdam ») (New York, 2008) indique qu’en cas d’émission d’un document de transport négociable (la Convention se réfère ici implicitement au connaissement), le porteur du document est en droit de réclamer du transporteur la livraison de la marchandise au lieu de destination contre remise du document de transport négociable et à condition qu’il s’identifie dûment. Le transporteur refuse de livrer la marchandise si ces exigences ne sont pas remplies. (3)

Par ailleurs, le connaissement est un document de transport qui s’impose au transporteur maritime conformément à la Convention de Hambourg. Pour faire court, c’est le document de transport maritime.

L’article 14 de ladite convention stipule que « lorsque les marchandises sont prises en charge par le transporteur ou le transporteur substitué, le transporteur doit, sur demande du chargeur, émettre un connaissement. Le connaissement peut être signé par une personne ayant reçu pouvoir du transporteur. Un connaissement signé par le capitaine du navire transportant les marchandises est réputé avoir été signé pour le compte du transporteur. La signature apposée sur le connaissement peut être manuscrite, imprimée en fac-similé, appliquée par perforation ou par tampon, se présenter sous forme de symbole ou être portée par tout autre moyen mécanique ou électronique, si le procédé n’est pas incompatible avec la loi du pays où le connaissement est émis ». (4)

Ce connaissement émis par le transporteur doit contenir, entre autres, les indications énumérées à l’article 15 de la Convention de Hambourg, en l’occurrence, la nature, le poids et les marques des marchandises embarquées (voir article 15 Convention des Nations Unies (5) sur le transport de marchandises par mer dite Règles de Hambourg de 1978).

Ainsi, en cas d’avaries, la responsabilité du transporteur peut être recherchée avec le seul fait de vérifier les indications mentionnées sur le connaissement.
La conformité de ces informations avec la marchandise livrée, reconnue sans réserve par le destinataire, constitue une preuve pour le transporteur au cas où sa responsabilité est recherchée. L’absence de réserve constitue une présomption simple de livraison conforme.

Par contre, si le transporteur a chargé la marchandise à bord de son navire, sans émettre de réserve sur le connaissement, il perd un moyen de preuve pouvant le dédouaner au cas où le destinataire émet des contestations sur la marchandise livrée au déchargement.

Le connaissement est l’acte qui représente la marchandise. Le titre qui la caractérise. Sans le connaissement, les informations exactes sur la marchandise peuvent être erronées. La délivrance tardive d’un connaissement (prescrit au transporteur par la loi) peut engager la responsabilité du transporteur, si ce retard a causé un préjudice au chargeur (Aix-en-Provence, 28 avril 1983, D.M.F 84, 726). (6)

L’impact du connaissement quant à la seule responsabilité ou non du transporteur maritime montre tout son prestige. Son importance est telle que, Lord Justice Bowen définit le connaissement comme étant “[…] a key which in the hands of a rightful owner is intended to unlock the door of the warehouse, floating or fixed, in which the goods may chance to be”. (7)

En français, le connaissement est une clé qui, entre les mains d’un propriétaire légitime, est destinée à ouvrir la porte de l’entrepôt, flottant ou fixe, dans lequel les marchandises peuvent se trouver. Le connaissement a des caractères comme celle étant un titre négociable mais aussi un titre faisant preuve du contrat de transport.

Le connaissement est un titre négociable dans la mesure où, en plus de son caractère représentatif de la marchandise, il représente les droits qui s’y rattachent. C’est cette fonction qui permet à son titulaire de transférer ses droits sur sa marchandise à un autre ou de contracter une créance auprès des banques.

Il est un titre représentatif de la cargaison dont la possession régulière équivaut à la possession de la marchandise qu’il désigne et vaut, dès lors, propriété de la marchandise ellemême. Selon la Cour de Cassation française, la Cour d’appel de Bourges a décidé, à bon droit, que lorsque l’original négociable du connaissement est endossé au profit d’une autre personne, cette dernière, porteur légitime du connaissement, était bien titulaire des droits s’y rattachant (Cour de cassation française, Chambre commerciale, du 3 mars 1987, 85-16.138, Inédit).

Par ailleurs, le connaissement fait office de preuve du contrat de transport, car mettant en exergue certaines obligations du transporteur. Par exemple, celle de transporter la marchandise à bon port et de la livrer à son dentinaire.

Le connaissement est, au vu de ce qui précède, un document très important en matière de transport de marchandise par mer. Il sert à la fois de contrat de transport, de reçu de la marchandise, donc un élément de preuve de la réception des marchandise et l’état au moment de la remise (fonction probatoire), mais aussi il représente la marchandise, ce qui fait de lui un élément négociable car donnant un droit de propriété sur la marchandise.

Ses multiples fonctions le caractérisent et en font un instrument avec beaucoup de conséquences juridiques à son émission, mais aussi lors de son absence ou encore de sa perte.

A suivre

Par Médoune GAYE


(1) Article 1-7 Convention de Hamburg 1978 & 1 (b) du Code de la marine marchande sénégalais
(2) DAVIES, DICKEY, op. cit., p. 262; DEBATTISTA Charles, Bills of lading in Export Trade, Tottel 2009, p. 26-27 
(3) Lorenzo CROCE, avocat au Barreau de Genève, LL.M. Droit maritime – La livraison sans connaissement
(4) Article 14 Convention de Hamburg 1978 4
(5) Article 15 Convention des Nations Unis sur le transport de marchandises par mer dite Règles de Hambourg de 1978
(6) Cité par Martine Remond-Gouilloud, Droit Maritime, Etudes internationales, 2éme édition, 1993, p.346. 
(7) Sanders Brothers v Maclean & Co [1883] 11 QBD 327