Les femmes dans le secteur maritime et portuaire au Sénégal : Vers une diversification des métiers et une égalité des chances
Les traditions socioculturelles qui régissent les différents métiers exercés dans le secteur maritime et portuaire sont considérées comme fondamentalement masculines. Cela est également dû à une méconnaissance des activités maritimes, dont les récits historiques ont peu évoqué le rôle des femmes, les empêchant de briser le plafond de verre.
La diversité du genre dans le secteur maritime et portuaire présente une grande variation entre ces différents sous-secteurs, et selon l’Organisation Maritime Internationale (OMI), seuls 29 % de la main-d’œuvre globale du secteur sont des femmes.
Ainsi, il est nécessaire de dresser un panorama du secteur maritime et portuaire au féminin, afin de montrer la place qu’occupent les femmes dans celui-ci. La mixité dans le milieu professionnel maritime est devenue une obligation, tant au niveau international que national, et l’acquisition de la formation nécessaire pour partir en mer ne pose aucun problème.
Au Sénégal, des efforts importants ont été entrepris pour former du personnel féminin à des postes de navigants. Bien que la condition physique du marin soit une exigence pour exercer son métier, les nouvelles technologies, la transition écologique et les progrès de la numérisation offrent de nombreuses opportunités aux femmes marins de s’investir dans des métiers techniques et scientifiques.
Si les femmes sont de plus en plus visibles dans les secteurs traditionnels de la mer, il semble intéressant de se pencher sur les statistiques des femmes qui embrassent des professions masculines.
L’Ecole Nationale de Formation maritime (ENFM), qui forme le personnel navigant nécessaire pour la flotte de commerce, de pêche, et de plaisance, a vu nombreux métiers se féminiser. Cela est attesté par une présence de plus en plus forte de femmes dans les sections de formation telles que celles des officiers chef de quart à la passerelle et chef de quart à la machine, des capitaines à la navigation côtière, ainsi que celle des mécaniciens puissance 200 Kw. Cette tendance haussière s’est surtout manifestée pendant les cinq dernières années, avec l’avènement de l’offshore (oil & gas).
Dernièrement, le taux de féminisation a atteint une moyenne de 8% de l’effectif global de l’Ecole, alors qu’auparavant, il ne dépassait jamais les 1%.
Le Centre National de Formation des Techniciens de la Pêche et de l’Aquaculture (CNFTPA) qui a été créé à la suite de la refonte de l’Ecole des Agents Techniques de l’Océanographie et des Pêches Maritimes (EATOPM), qui depuis sa création forme des techniciens des pêches maritimes avec un effectif féminin très faible, en moyenne une (01) par promotion. A la fin des années 90 jusqu’à nos jours, les candidatures féminines ont connu une tendance haussière avec une moyenne qui varie entre 3 et 5 femmes par promotion.
En ce qui concerne l’enseignement supérieur, l’Institut Universitaire de Pêche et d’Aquaculture (IUPA) située à l’université cheikh Anta Diop de Dakar, ainsi que l’Université du Sine Saloum forme des cadres supérieurs tels que des ingénieurs halieutiques et des biologistes et cadres intermédiaires. L’IUPA est à un taux de 47,71% sur les inscriptions des filles.
Dans le domaine du transport maritime et de la logistique, on constate une présence accrue des femmes grâce au Centre Trainmar de Dakar (CTD) et au Centre de Formation aux Métiers Portuaires et à la Logistique (CFMPL), qui participent à la formation des femmes aux métiers du transport et de la logistique.
Ainsi, en choisissant des formations à dominance masculine, la simple assimilation de connaissances ne suffit pas. Ces femmes doivent s’adapter à un environnement dont les codes diffèrent, sans quoi leur insertion dans le monde professionnel, déjà plus ardue, serait encore plus difficile.
Il convient également de mentionner la participation du Consortium sénégalais d’activités maritime (COSAMA) qui emploie une main-d’œuvre maritime non négligeable. L‘équipage naviguant féminin est à un pourcentage de 5%.
Dans la Marine marchande, devenue Agence Nationale des Affaires Maritimes (ANAM), l’intégration des femmes a été boostées par les autorités à partir des années 2000, pour remédier aux inégalités hommes/femmes aux postes de responsabilité. Aujourd’hui, les femmes recrutées font office de cadre dans le corps d’administrateurs des affaires maritimes, de juristes maritimes, d’inspecteurs maritimes, etc.
Aussi, il est important de mentionner que plusieurs femmes ont occupé des postes à responsabilités au sein de structures étatiques telles que le Centre National de Formation des Techniciens de la Pêche, l’Agence Nationale des Affaires Maritimes, l’Agence Nationale de l’Aquaculture, le Centre de Recherche Océanographique Dakar Thiaroye et le Centre de Formation aux Métiers Portuaire et à la Logistique.
Pour ce qui est de la Marine nationale, toutes les spécialités types marines peuvent être exercées par les femmes, et elles représentent un pourcentage de 11.5% dans cette armée. Avec les nouvelles acquisitions de patrouilleur de haute mer, le pourcentage de femmes embarquées à bord sera revu à une hausse de près de 5%. Néanmoins, la féminisation des navires de guerre, avec notamment des locaux de vie et des espaces sanitaires adéquats reste encore un défi à relever par le commandement.
Dans le domaine de la réparation navale, il existe de nombreuses opportunités de carrière pour les femmes, notamment en tant qu’électriciennes ou électrotechniciennes intervenant sur des navires tels que les gaziers, les pétroliers ou les supply vessel.
Pour le Port Autonome de Dakar, les femmes occupent les postes tels que:
- Patron de Bordée (01)
- Officier de port adjoint (01)
- Opérateurs VTS (05)
- Maître de port (03)
- Mécanicienne pilotine (01)
Ces recrutements témoignent de la volonté des autorités portuaires de promouvoir la diversité et l’inclusion dans le milieu maritime.
Dans le secteur de l’armement, la place des femmes est surtout remarquée dans les armements intégrés (flotte et unités de transformation et conditionnement) en particulier au niveau des unités de transformation et de conditionnement du poisson frais. À noter également, leur participation aux activités productives diverses liées à l’exploitation et à la valorisation des produits halieutiques.
La représentativité féminine dans les métiers liés à la mer varie entre 2% et 8% selon les secteurs au Sénégal. Par ailleurs, le gouvernement à travers ces différentes entités publiques et privées a déployé plusieurs efforts, et continue de favoriser le principe de l’égalité, la promotion de la condition des femmes et le développement des carrières des femmes exerçant dans l’économie bleue.
Néanmoins, le taux des femmes reste inférieur par rapport à celui des hommes ; C’est pourquoi plusieurs organisations œuvrent pour mieux asseoir l’importance et le rôle de la femme dans ce secteur, tel que le réseau des Maritime Women, WIMOWCA, WIMA, la Fédération des Femmes Transformatrices et Mareyeuses du Sénégal (FENATRAMS) etc.
Présidente du Réseau Francophone des Maritime Women
Alumni World Maritime University
Ocean Sustainability, Governance and Mangement (OSGM)