Mer Rouge, Mer Noire et Canal de Panama : la CNUCED tire la sonnette d’alarme sur les perturbations du commerce mondial

© Shutterstock/byvalet | Un grand porte-conteneurs traverse le canal de Suez.

L’organisation avertit que l’escalade des attaques contre les navires en mer Rouge aggrave la pression sur des voies maritimes déjà touchées par les conflits et le changement climatique.

La CNUCED, l’organe des Nations unies chargé du commerce et du développement, s’est déclarée profondément préoccupée par l’aggravation des perturbations pesant sur le commerce mondial.

Selon elle, les récentes attaques contre des navires en mer Rouge, combinées aux tensions géopolitiques affectant le transport maritime en mer Noire et aux effets du changement climatique sur le canal de Panama, ont fait émerger une crise complexe qui affecte les principales routes commerciales.

Jan Hoffmann, responsable de la logistique commerciale à la CNUCED, a présenté l’analyse détaillée de la situation réalisée par l’organisation lors de la conférence de presse quotidienne de l’ONU le 25 janvier. Il a souligné le rôle essentiel du transport maritime dans le commerce international, notant qu’il représente plus de 80 % des échanges mondiaux de marchandises.

Perturbations en mer Noire et sur les canaux de Panama et de Suez

Le canal de Suez, une voie navigable essentielle reliant la mer Méditerranée à la mer Rouge, assurait environ 12 à 15 % du commerce mondial en 2023. La CNUCED estime que le volume des échanges passant par le canal de Suez a diminué de 42 % au cours des deux derniers mois.

 

Le conflit actuel en Ukraine a également provoqué des changements substantiels dans les échanges de pétrole et de céréales, modifiant les schémas commerciaux habituels.

Parallèlement, le canal de Panama, autre artère clé du commerce mondial, est confronté à une grave sécheresse qui a fait baisser les niveaux d’eau, ce qui a entraîné une réduction impressionnante de 36 % du nombre total de transits au cours du mois dernier par rapport à l’année précédente.

Les conséquences à long terme du changement climatique sur la capacité du canal font craindre des effets durables sur les chaînes d’approvisionnement mondiales.  La crise en mer Rouge, caractérisée par des attaques menées par les Houthis qui perturbent à leur tour les routes maritimes, vient ajouter une complexité supplémentaire à la situation.

Les transits de porte-conteneurs chutent tandis que les taux de fret et les émissions grimpent en flèche

En réponse à la crise en mer Rouge, les principaux acteurs du transport maritime ont temporairement suspendu les passages par le canal de Suez.

Les transits hebdomadaires de porte-conteneurs ont notamment chuté de 67 %. Les transits de pétroliers et de transporteurs de gaz connaissent également des baisses significatives.

Pendant ce temps, les prix du transport maritime augmentent. La hausse de 500 dollars des taux de fret spot moyens pour les conteneurs au cours de la dernière semaine de décembre est la plus forte augmentation hebdomadaire jamais enregistrée.

Les taux spot moyens de transport de conteneurs au départ de Shanghai ont plus que doublé (+122%) depuis le début du mois de décembre. Plus précisément, les taux de Shanghai vers l’Europe ont plus que triplé (+256 %), tandis que les taux vers la côte ouest des États-Unis ont augmenté de 162 %, bien que les navires empruntant cet itinéraire ne passent pas par le canal de Suez.

Les primes d’assurance ont également grimpé en flèche, aggravant le coût global du transit.

En outre, les navires détournés des routes des canaux de Suez et de Panama sont obligés de voyager plus vite pour compenser leurs détours, brûlant plus de carburant par mille et émettant plus de CO2, ce qui exacerbe encore les préoccupations environnementales.

« Nous voyons ici l’impact global de la crise, puisque les navires cherchent des itinéraires alternatifs », a déclaré M. Hoffmann.

Implications globales : augmentation des prix des denrées alimentaires et de l’énergie.

La CNUCED a souligné les conséquences économiques considérables de ces perturbations.

Les interruptions prolongées, en particulier dans le transport maritime par conteneurs, constituent une menace directe pour les chaînes d’approvisionnement mondiales, augmentant le risque de retards de livraison et de hausse des coûts.

Bien que les tarifs actuels des conteneurs représentent environ la moitié du pic observé lors de la crise du COVID-19, il faudra du temps pour que les prix plus élevés touchent les consommateurs, l’impact total étant attendu d’ici un an.

Les prix de l’énergie connaissent une flambée en raison de l’interruption des transits de gaz, ce qui a un impact direct sur l’approvisionnement en énergie, en particulier en Europe.

La crise a également des répercussions sur les prix des denrées alimentaires au niveau mondial, l’allongement des distances et l’augmentation des taux de fret pouvant se traduire par une hausse des coûts. Les perturbations des expéditions de céréales en provenance d’Europe, de Fédération de Russie et d’Ukraine mettent en péril la sécurité alimentaire mondiale, en affectant les consommateurs et en faisant baisser les prix payés aux producteurs.

Impact sur les pays en développement et nécessité d’une action collective

« Les pays en développement sont particulièrement vulnérables à ces perturbations, et la CNUCED reste vigilante et suit l’évolution de la situation », a déclaré M. Hoffmann.

L’organisation a souligné l’urgence d’adapter rapidement l’industrie du transport maritime et la coopération internationale pour faire face au remodelage soudain de la dynamique du commerce mondial.

Les défis actuels soulignent la vulnérabilité du commerce aux tensions géopolitiques et aux problèmes liés au climat, ce qui exige des efforts collectifs pour des solutions durables, en particulier pour soutenir les pays les plus vulnérables à ces chocs.

CNUCED