Salon « Défis et Perspectives pour une Afrique Souveraine » : Entretien avec Léocadie Ebakissé et Kadia Sylla Moisson
1. Pour commencer, pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Léocadie Ebakissé : Je suis Léocadie Ebakissé, DG de Talents Awake, agence de conseil en stratégie de transformation et développement de l’influence. En tant que maîtresse de cérémonie et co-organisatrice du Salon des Industries Africaines, j’ai à cœur de contribuer à des dynamiques collectives porteuses de souveraineté économique pour le continent africain.
Kadia Sylla Moisson : Je suis Kadia Sylla Moisson, Guinéenne et Française. Je me dis définis comme une entrepreneure engagée, femme de la diaspora africaine de France, désireuse de créer des liens stratégiques et positifs entre l’Europe et l’Afrique et plus particulièrement entre mon pays de naissance, La Guinée et la France.
Aujourd’hui, je suis la Directrice Afrique du groupe Grant Alexander, un groupe de conseils et services en Ressources Humaines, le groupe accompagne les entreprises et organisations de toute taille dans le recrutement par approche directe de dirigeants, managers et experts qui sauront servir leur performance.
Multispécialiste, il met à la disposition de ses clients des ressources expertes afin de proposer les candidats présentant la meilleure synthèse entre performance professionnelle et adéquation à la culture de l’entreprise.
Depuis presque 7 ans, j’accompagne mes clients dans la détection et le recrutement de cadres dirigeants, de talents locaux et ceux issus des diasporas africaines.
2. Veuillez nous expliquer ce qui vous a motivé chacune de son côté à vouloir initier le salon « Défis et Perspectives pour une Afrique Souveraine » ?
Léocadie Ebakissé : Ce salon est né d’une volonté claire : faire dialoguer innovation, souveraineté et capital humain, dans une approche concrète. L’Afrique regorge de talents, de ressources et d’opportunités industrielles. Il est temps d’orchestrer des alliances stratégiques entre secteurs, territoires et générations pour transformer ces potentiels en leviers durables de croissance.
Kadia Sylla Moisson : En tant qu’entrepreneure, je suis la fondatrice du Club des Diasporas Africaines de France et des Amis de l’Afrique, plateforme d’entraide, d’influence et de valorisation des entrepreneurs de la Diaspora Africaine. Enfin, en ma qualité de Présidente fondatrice de l’Association Audacity for Africa, avec des amis et mécènes bienfaiteurs, je mène certaines actions humanitaires dans certains pays d’Afrique francophones et en Guinée notamment.
Mon parcours, entre la Guinée et la France, m’a permis de comprendre l’importance de créer des ponts entre les talents africains et les opportunités économiques.
Depuis plusieurs années, je m’investis dans la valorisation des talents, des industries et des initiatives africaines, en France comme sur le continent. S’agit du Salon des Industries Africaines, mon engagement s’est renforcé lors de mon implication avec les Forces Françaises de l’Industrie en France, où j’ai constaté l’impact concret de l’action collective sur la transformation industrielle. Cela m’a inspirée à initier ce salon, conçu comme un espace bienveillant et pragmatique, différent des grands forums, pour favoriser les échanges et les opportunités d’affaires concrètes entre les acteurs africains et internationaux.
C’est une initiative plus accessible, plus ancré dans la réalité, mais tout aussi ambitieux.
Il ne s’agit pas seulement de réfléchir, mais de connecter concrètement des acteurs autour de solutions et d’opportunités.
3. Le thème retenu cette année est : « Comment la technologie réinvente l’Agriculture, les Mines, le Pétrole et l’Économie Bleue en Afrique ». Quels sont les objectifs que vous poursuivez à travers ce choix thématique ambitieux ?
Kadia Sylla Moisson : Avec mon amie, Léocadie Ebakissé, nous avons choisi ce thème pour refléter l’urgence de la transformation structurelle du continent car l’Afrique ne peut plus être uniquement un réservoir de ressources naturelles. Je pense que tout le monde l’a compris et plus particulièrement les africains eux -mêmes.
Léocadie Ebakissé : En effet, ce thème répond à un impératif de notre temps : penser les industries africaines dans une logique d’innovation responsable et d’impact durable. La technologie n’est pas une fin en soi, mais un catalyseur.
Nous avons voulu montrer que, dans des secteurs clés comme l’agriculture, les ressources minières, le pétrole ou encore l’économie bleue, la transformation technologique peut générer de la valeur ajoutée locale, créer des emplois qualifiés, et renforcer les capacités d’action des États.
Kadia Sylla Moisson : Nous avons d’ailleurs des groupes comme SaH Analytics, dont le PDG le Docteur Yaya Sylla sera au Salon. SaH Analytics International est une entreprise technologique ivoirienne fondée en 2019, spécialisée dans l’intelligence artificielle (IA), la cybersécurité et l’analyse avancée de données. Basée à Abidjan, avec une présence en France, elle accompagne les entreprises et institutions africaines dans leur transformation numérique en exploitant les technologies de pointe telles que le cloud computing, le machine learning et les systèmes embarqués. Le groupe intervient dans divers secteurs, notamment :
• Énergie, pétrole et gaz
• Santé
• Télécommunications
• Cybersécurité
• Formation
4. L’économie bleue figure parmi les grands axes du salon, aux côtés de secteurs plus traditionnels comme l’agriculture, les mines ou le pétrole. Pourquoi ce choix et quelle est, selon vous, sa place dans les stratégies de souveraineté du continent ?
Léocadie Ebakissé : L’économie bleue est souvent marginalisée dans les débats économiques, alors qu’elle représente un potentiel immense pour le continent africain.
Elle touche à des enjeux de sécurité alimentaire, de biodiversité, d’emplois, de commerce maritime et d’innovation technologique. En valorisant les ressources marines – de la pêche durable à la biotechnologie, en passant par la logistique portuaire – l’Afrique peut non seulement diversifier son économie, mais aussi se positionner comme acteur stratégique des transitions écologiques mondiales.
Kadia Sylla Moisson : Par ailleurs, l’Afrique avec ces 54 pays, compte 38 pays avec un littoral et un accès direct à la mer. Ce potentiel maritime représente une ressource stratégique majeure encore sous-exploitée.
Intégrer une table ronde sur l’économie bleue dans le cadre du Salon des Industries Africaines permet de réconcilier industrialisation et durabilité, tout en ouvrant le débat sur les politiques publiques, les financements, et la formation des compétences clés dans ce secteur porteur.
Comme expliquer plus haut, ce qui nous anime au travers de ces rencontres, c’est de poser les jalons concrets, favoriser des échanges ouverts, identifier des solutions pour une Afrique croissante, ouverte au monde et aux partenariats stratégiques.
5. Votre ambition est donc d’aller au-delà des débats et réflexions théoriques ? Quelles actions concrètes ou dynamiques souhaitez-vous impulser à travers ce salon, notamment pour le développement de l’économie bleue ?
Léocadie Ebakissé : Absolument. Le Salon est conçu comme un accélérateur d’alliances concrètes. Nous voulons susciter des partenariats public-privé, renforcer les capacités locales et faire émerger des projets structurants.
Sur l’économie bleue en particulier, nous impulsons une dynamique d’échanges entre acteurs portuaires, chercheurs, startups de l’aquaculture, et investisseurs. L’objectif est de favoriser l’émergence de chaînes de valeur complètes – de la formation des techniciens à la transformation des produits halieutiques – pour que l’Afrique maîtrise mieux ses ressources maritimes.
Nous envisageons également des rencontres B2B ciblées et des pistes de coopération transfrontalière, en nous appuyant sur les retours d’expérience du Cap-Vert, du Sénégal ou encore du Gabon.
Kadia Sylla Moisson : Nous avons la chance de placer ce salon notamment sous le haut patronage du ministère de l’Industrie et du commerce. C’est un signal fort à l’endroit des industriels qui nous accompagne comme le groupe Maguin. Le groupe Maguin-Promill, intégré au sein du Groupe Moret Industries, est un acteur industriel français spécialisé dans la conception, la fabrication et l’installation d’équipements pour les secteurs de l’agro-industrie, de la biomasse, de l’énergie et des procédés environnementaux.
Nous travaillons aussi à renforcer les connexions entre diasporas, acteurs locaux et partenaires internationaux pour coconstruire des écosystèmes intéressants. Je crois en une diplomatie du concret. Le salon met donc à disposition des outils : sessions de mise en relation ciblées, accompagnement post-événement. On ne s’arrête pas à l’applaudimètre : nous préparons le terrain pour des actions tangibles.
S’agissant de l’économie bleue, nous voulons inciter les États et les différents acteurs économiques à intégrer ce pilier dans leurs plans industriels, et les investisseurs à y voir un terrain porteur et crédible.
A ce propos, on peut citer les initiatives de CFAO Mobility au Sénégal, l’un de nos intervenants au Salon :
Au Sénégal, CFAO Mobility s’est engagé activement dans la modernisation de la pêche artisanale en introduisant des pirogues en fibre de verre motorisées, souvent qualifiées de « pirogues intelligentes ». Cette initiative vise à améliorer la sécurité, l’efficacité et la durabilité des activités de pêche pour les communautés côtières.
« En partenariat avec la Délégation Générale à l’Entrepreneuriat Rapide des Femmes et des Jeunes (DER/FJ), CFAO Mobility a livré 20 pirogues en fibre de verre, motorisées par Yamaha et équipées de matériel de pêche moderne, à 20 Groupements d’Intérêt Économique (GIE) dans les régions de Dakar, Louga, Saint-Louis et Ziguinchor.
Ces pirogues présentent plusieurs avantages :
• Durabilité accrue : conçues pour durer plus de 25 ans, elles offrent une meilleure résistance aux conditions maritimes.
• Sécurité renforcée : leur stabilité et leur insubmersibilité améliorent la sécurité des pêcheurs en mer.
• Réduction de l’impact environnemental : en remplaçant les pirogues en bois, elles contribuent à la préservation des forêts et permettent une économie de carburant de 30%, réduisant ainsi les émissions de gaz à effet de serre. » sources CFAO Mobility LinkedIn.
6. À qui s’adresse ce salon ? Qui peut y participer et comment ?
Ce salon s’adresse aux décideurs publics, aux chefs d’entreprise, aux acteurs de la diaspora, aux experts techniques, mais aussi aux étudiants, jeunes entrepreneurs et porteurs de solutions.
L’inscription est gratuite et ouverte à tous via le lien officiel [https://lnkd.in/ewapHzpN] ou en contactant directement notre équipe de coordination.
Nous avons également prévu un format hybride, pour permettre une participation à distance à certains temps forts, ainsi qu’un dîner privé de haut niveau pour approfondir les discussions stratégiques.
7. Pour conclure, avez-vous un message ou un appel à lancer aux décideurs, investisseurs ou jeunes entrepreneurs intéressés par l’économie bleue et les autres secteurs stratégiques abordés lors de l’événement ?
Léocadie Ebakissé : Oui. Un appel simple mais essentiel : ne regardez pas l’Afrique uniquement comme un marché. Regardez-la comme un partenaire de souveraineté partagée et d’innovation collective.
Aux jeunes : vos idées sont nécessaires. À nos décideurs : vos choix structurent l’avenir. À nos partenaires : engagez-vous avec ambition, mais aussi avec écoute et ancrage local.
Ce salon est une invitation à co-construire des industries africaines à la hauteur des défis mondiaux, mais surtout à la mesure de nos talents et de nos visions.
Kadia Sylla Moisson : Mon message est aussi simple : le temps n’est plus aux diagnostics. Nous les connaissons tous ! Ce dont l’Afrique a besoin aujourd’hui, c’est de bâtisseurs. L’Afrique a besoin de synergies entre ses talents, du continent et de la diaspora, ses ressources et ses partenaires internationaux pour réaliser son potentiel.
J’invite les investisseurs à oser se tourner cers ce continent pour y trouver des relais de croissance durable, notamment nos PME françaises, à faire confiance à des porteurs africains solides, à s’appuyer sur la diaspora comme courroie de transmission.
J’invite les jeunes à se former, à se regrouper, à croire que leur avenir se construit aussi sur le continent : la solution n’est pas en Europe mais véritablement sur le continent.
Et nous invitons les institutions à accompagner ces dynamiques !
Propos recueillis par Carlos Kpodiefin