Le commerce maritime résiste à la tempête COVID-19 mais doit faire face à des répercussions considérables

La CNUCED prévoit que la croissance annuelle du commerce maritime entre 2022 et 2026 ralentira à 2,4 %, contre 2,9 % au cours des deux dernières décennies.
©ValentinValkov

L’impact de la pandémie de COVID-19 sur les volumes du commerce maritime en 2020 a été moins grave que prévu, mais ses retombées seront de grande ampleur et pourraient transformer le transport maritime, selon l’Étude sur les transports maritime 2021 de la CNUCED publiée le 18 novembre.

Le rapport montre que le commerce maritime s’est contracté de 3,8 % en 2020, reflétant un choc initial, mais qu’il a rebondi plus tard dans l’année et devrait augmenter de 4,3 % en 2021. Les perspectives à moyen terme de ce commerce restent positives mais soumises à une montée des risques et des incertitudes.

Commerce maritime international, produit intérieur brut (PIB) mondial et ratio commerce maritime/PIB, 2006 à 2021 (variation annuelle en pourcentage et ratio)

Source: l’Étude sur les transports maritime 2021 de la CNUCED

Des vents contraires secouent le commerce maritime

Tout en reconnaissant l’amorce d’une reprise, le rapport décrit les pressions sans précédent auxquelles sont confrontées les chaînes d’approvisionnement mondiales, les pics spectaculaires des taux de fret, des hausses de prix significatives à l’horizon pour les consommateurs et les importateurs et les changements potentiels des modèles commerciaux en raison des tensions commerciales et de la quête d’une plus grande résilience.

« Une reprise durable dépendra de l’évolution de la pandémie, de la capacité à atténuer les vents contraires et d’un déploiement mondial des vaccins », a déclaré Rebeca Grynspan, Secrétaire générale de la CNUCED.

« Les impacts de la crise de la COVID-19 toucheront plus durement les petits États insulaires en développement (PEID) et les pays les moins avancés (PMA) », a expliqué Mme Grynspan.

Selon la CNUCED, la pandémie a exposé et amplifié les défis qui existaient déjà dans le secteur du transport maritime, notamment les pénuries de main-d’œuvre et les besoins en infrastructures.

Elle s’inquiète de la crise persistante induite par la pandémie en ce qui concerne les changements d’équipage, les fermetures de frontières et le manque de vols internationaux laissant des centaines de milliers de marins bloqués en mer, incapables d’être remplacés ou rapatriés.

Le rapport appelle à une attention urgente de la part des États du pavillon, des ports et des fournisseurs de main-d’œuvre pour mettre fin à la crise du changement d’équipage, en insistant sur le fait que tous les États devraient être parties aux instruments juridiques internationaux pertinents, notamment la Convention du travail maritime de 2006. Il exhorte les gouvernements et l’industrie à continuer à travailler ensemble et en collaboration avec les organisations internationales compétentes pour faciliter les changements d’équipage.

Facteurs conduisant à la hausse des prix à la consommation

Le rapport indique que les goulets d’étranglement de la chaîne d’approvisionnement ont entravé la reprise économique, car le rebond du commerce s’est heurté à des problèmes logistiques dus à la pandémie, notamment des pénuries d’équipements et de conteneurs, des services moins fiables, des ports encombrés et des délais et des temps d’attente plus longs.

Les contraintes liées à l’offre dans le domaine du transport par conteneurs ébranlent également le transport et le commerce maritimes. Alors que les commandes de nouveaux navires ont diminué de 16 % en 2020, poursuivant une tendance à la baisse des années précédentes, en 2021, les compagnies maritimes ont répondu aux limitations de capacité par un afflux de nouvelles commandes.

Les compagnies maritimes ont bénéficié de la flambée des taux de fret, note le rapport, les surtaxes, frais et tarifs d’expédition ayant temporairement augmenté encore plus après que le porte-conteneurs Ever Given a bloqué le canal de Suez en mars 2021.

L’augmentation des coûts du transport maritime par conteneurs a été un défi pour tous les négociants et gestionnaires de la chaîne d’approvisionnement, indique le rapport, mais surtout pour les petits expéditeurs, qui peuvent être moins à même d’absorber les dépenses supplémentaires et sont désavantagés lorsqu’ils négocient les tarifs et réservent de l’espace sur les navires.

Si la flambée actuelle des taux de fret conteneurisé se poursuit, elle entraînera une augmentation significative des prix à l’importation et à la consommation, prévient le rapport. L’analyse de la CNUCED prévoit que les prix mondiaux à l’importation augmenteront en moyenne de 11 % en raison de l’augmentation des taux de fret, mais les PEID qui dépendent principalement du transport maritime pour leurs importations pourraient subir des augmentations allant jusqu’à 24 %.

Si les taux de fret des conteneurs restent à leurs niveaux élevés actuels, les prix mondiaux à la consommation devraient être supérieurs de 1,5 % en 2023 à ce qu’ils auraient été autrement. Toutefois, la hausse devrait être de 7,5 % dans les PEID et de 2,2 % dans les PMA.

« Face à ces pressions sur les coûts et aux perturbations du marché qui persistent, il est de plus en plus important de surveiller le comportement du marché et de garantir la transparence lorsqu’il s’agit de fixer les taux, les frais et les surtaxes », recommande le rapport.

Les mégatendances qui dessinent le transport maritime

La pandémie a accéléré les mégatendances qui pourraient transformer le transport maritime à plus long terme.

Elle a catalysé la numérisation et l’automatisation, qui devraient permettre de gagner en efficacité et de réaliser des économies. Toutefois, le secteur du transport maritime est également confronté au défi d’adaptation face au changement climatique et de renforcement de la résilience, ainsi qu’à la nécessité urgente de se décarboniser et de trouver des carburants de substitution pour réduire les émissions, ce qui aura inévitablement un coût, indique la CNUCED.

« En exposant les vulnérabilités des chaînes d’approvisionnement existantes, la perturbation causée par la COVID-19 a accentué la nécessité de renforcer la résilience et a relancé le débat sur la mondialisation et les chaînes d’approvisionnement de l’avenir », a déclaré Shamika N. Sirimanne, directeur de la technologie et de la logistique à la CNUCED.

Quant aux préoccupations relatives à l’augmentation de relocalisation et de l’externalisation proche, le rapport souligne qu’il peut être simple de relocaliser une production à forte intensité de main-d’œuvre et à faible valeur ajoutée, mais qu’il est plus complexe de déplacer la production et de changer de fournisseurs pour la fabrication à moyenne et à forte valeur ajoutée.

Le rapport prévoit un mélange de relocalisation, de diversification, de reproduction et de régionalisation, la Chine restant probablement l’emplacement de production de premier plan. Des modèles d’exploitation « hybrides » impliquant des modèles de chaîne d’approvisionnement « juste à temps » et « juste au cas » sont susceptibles d’émerger. Ces ajustements pourraient entraîner une demande de services de transport maritime plus flexibles, avec des implications pour les types et les tailles de navires, les ports d’escale et les distances parcourues.

Dans le même temps, le commerce électronique, accéléré par la pandémie, a transformé les habitudes d’achat et les habitudes de dépense des consommateurs et a stimulé la demande pour des installations de distribution et d’entreposage dotées de fonctionnalités numériques et offrant des services à valeur ajoutée. Cela pourrait générer de nouveaux débouchés pour le transport maritime et les ports.

Pour l’avenir, la CNUCED indique que la reprise socio-économique mondiale dépendra d’un transport maritime intelligent, résilient et durable et d’un vaste effort de vaccination à l’échelle mondiale, les pays en développement ayant un accès plus équitable aux vaccins.

Elle exhorte l’industrie, les gouvernements et les organisations internationales à veiller à ce que les gens de mer soient désignés comme des travailleurs clés et vaccinés en priorité.

Source : CNUCED